Le trafic de drogue au Mexique est "un cancer" qui a "tout
envahi", et non plus une simple "appendicite" comme on le croyait,
a-t-il déclaré. Au Mexique, on estime à quelque 5'300, pour l'année
2008, le nombre de morts violentes liées aux activités criminelles
des cartels. Jamais les chiffres officiels n'avaient atteint un tel
niveau.
Chaque jour, le trafic fait une douzaine de morts en moyenne
dans le nord du pays, à la frontière américaine, où les hommes de
main des cartels s'entretuent pour le contrôle du trafic vers les
Etats-Unis, premier client mondial de la cocaïne.
Pas question de baisser les bras pour autant, a affirmé Felipe
Calderon, citant l'arrestation mercredi de 52 membres présumés du
puissant cartel mexicain dit "de Sinaloa" dans trois Etats
américains, dans le cadre d'une vaste opération anti-drogue menée
par Washington en coopération avec le Mexique et le Canada.
Un mal à éradiquer
Il faut "extirper, irradier, s'attaquer à toute cette maladie,
et cela coûte cher, et c'est douloureux bien entendu, mais il faut
le faire", a ajouté Felipe Calderon. A son arrivée à la présidence,
en décembre 2006, il était informé d'extorsions, d'enlèvements, de
disparitions et de décapitations, mais il ne connaissait pas
l'étendue du mal, a-t-il expliqué.
Depuis fin 2006, son gouvernement a déployé contre les cartels
plus de 36'000 hommes, policiers et militaires, à travers le pays.
Et les autorités ont annoncé vendredi l'envoi d'un renfort de 5'000
militaires et 1'000 policiers à la frontière nord. Selon les
chiffres officiels, 120 policiers ont été tués par les cartels en
2008, et 72 militaires l'ont été en opérations contre eux entre fin
2006 et octobre 2008.
La collaboration anti-drogue avec les Etats-Unis s'intensifie,
grâce en particulier à "L'Initiative de Merida", votée en 2008 à
Washington, qui prévoit une aide de 1,4 milliard de dollars en
trois ans à Mexico pour la lutte contre les cartels, et 200 autres
millions pour l'Amérique centrale et les Caraïbes.
Elle a donné des résultats, avec quelques arrestations marquantes
et des saisies de cargaison. Mais les cartels défient les
autorités: ils ont menacé par voie d'affiches le maire de Ciudad
Juarez, à la frontière d'El Paso au Texas, de le décapiter, avec
toute sa famille.
Le chef de la police de cette même ville, réputée la plus
meurtrière du pays avec plus de 1'600 morts violentes en 2008, a
démissionné après l'assassinat de son adjoint, parce que les
cartels menaçaient d'abattre un policier toutes les 48 heures, tant
qu'il resterait en poste.
Mexico et Washington se renvoient la balle
Washington comme Mexico affirment aujourd'hui leur volonté
d'écraser les cartels, et se félicitent mutuellement de leur
coopération. Mais se renvoient la balle sur les progrès à faire de
part et d'autre de la frontière.
Vendredi, Washington a martelé que la corruption au Mexique
continue de constituer "un obstacle-clé" dans cette lutte. Felipe
Calderon a répondu en demandant que soit mieux surveillée l'entrée
au Mexique, par où passerait, selon lui, des armes et de l'argent
liquide destinés aux cartels (lire
ci-contre).
"On surveille à la frontière l'entrée aux Etats-Unis, mais à la
vérité nous n'avons jamais surveillé l'entrée au Mexique". "Les
deux pays doivent faire en sorte d'avoir une frontière sécurisée,
ouverte au commerce, aux gens qui veulent travailler, mais fermée
au crime, au trafic d'armes et de drogues, et au trafic d'argent
illégal", a-t-il conclu.
agences/jeh
Les cartels mexicains s'arment aux Etats-Unis
Si le Mexique est la source d'une bonne partie de la drogue qui entre aux Etats-Unis, ce sont des armes venues des Etats-Unis qui arment les cartels mexicains et jouent un rôle considérable dans la spirale de la violence.
C'est en effet devenu une véritable guerre, qui a fait plus de 6'290 morts l'année dernière -soit plus du double qu'en 2007-, et plus d'un millier de morts depuis début 2009.
Et 95% des assassinats liés à la drogue au Mexique sont commis avec des armes provenant des Etats-Unis, note le rapport annuel sur la lutte anti-drogue du Département d'Etat américain.
Depuis déjà deux ans, le président Calderon se plaint que les autorités américaines n'arrivent pas à contrôler le trafic d'armes américaines vers le Mexique, jugeant que les policiers et militaires en payent le prix fort: 800 membres des forces de l'ordre mexicaines ont été tués ces deux dernières années.
Selon la Brookings Institution, quelque 2000 armes entreraient chaque jour sur le territoire mexicain en provenance des Etats-Unis.
Et selon le Bureau des Tabacs et armes à feu (ATF), plus de 7700 armes vendues aux Etats-Unis ont pu être retracées au Mexique l'année dernière, contre environ 3300 en 2007, et 2100 en 2006.
La nouvelle administration Obama s'est engagée à renforcer la coopération en matière de lutte contre la drogue avec les pays latino-américains, et au premier rang le Mexique.
Mercredi, le ministre américain de la Justice Eric Holder a notamment promis de faire appliquer une interdiction, longtemps ignorée, sur l'importation de fusils d'assaut: ces armes importées qui sont souvent revendues illégalement à des réseaux qui ensuite fournissent les cartels mexicains.
Un geste dont s'est réjoui le président Calderon: "pour la première fois (...) depuis de longues années, le gouvernement américain commence à faire preuve de plus d'engagement", a-t-il jugé.
Quand cette interdiction était respectée, seules 21% des armes récupérées sur les trafiquants de drogue mexicains étaient des fusils d'assaut, estime Eduardo Medina. Aujourd'hui, ce chiffre a atteint plus de 50%, ajoute-t-il.
Au Mexique, toute arme d'un calibre supérieur à 38 est considérée comme militaire et interdite à l'usage civil.
Du coup, au nord du Rio Grande, les membres des cartels mexicains payent tout un réseau d'Américains pour acheter des fusils d'assaut pour leur compte.
Les cartels semblent d'ailleurs trouver cette source d'approvisionnement si aisée que leurs tueurs abandonnent tout simplement sur place ces armes pourtant hors de prix après avoir commis leur forfait.