"Jusque dans les années 1960, l'Europe était bâtie sur des valeurs chrétiennes sécularisées", rappelle Olivier Roy, sociologue et politologue spécialiste de l'islam, invité de La Matinale de la RTS mercredi. A partir de ce moment-là, ce sont les valeurs libérales qui ont progressivement pris l'ascendant sur celles inspirées directement de l'Eglise.
La religion a dès lors été reléguée à ses manifestations folkloriques - la tradition des crèches de Noël par exemple - et culturelles - les églises comme patrimoine culturel et historique.
L'Europe, héritage chrétien ou valeurs libérales?
D'où le profond trouble actuel: l'Europe a-t-elle encore une religion? Quelles "valeurs chrétiennes" opposer à l'islam, dont les manifestations religieuses provoquent régulièrement méfiance et rejet parmi la population?
"Ce qui fait peur dans l'islam, c'est sa visibilité. Cela exacerbe la question de la visibilité du religieux en général dans l'espace public", affirme Olivier Roy. Alors que le signe religieux islamique est vu comme un signe "dur", son pendant chrétien est culturel et folklorique. "On se pose la question si l'islam est compatible. Mais compatible avec quoi? L'héritage chrétien de l'Europe, ou ses valeurs libérales? Derrière tout cela, on retrouve cette question lancinante: qu'est-ce que l'Europe actuelle?", souligne le chercheur.
"Des curés en soutane au Parlement"
Si le combat pour la laïcité est source de conflits, c'est qu'il vise l'exclusion totale du religieux de l'espace public, estime-t-il. Dans le Parlement français des années 1950-1960, on croisait des curés en soutane, rappelle-t-il, alors qu'aujourd'hui cette même institution va édicter un règlement interdisant tout signe religieux dans son hémicycle.
Alors même que cette chasse aux signes religieux vise l'islam, c'est à toutes les religions qu'elle s'adresse. Plus on s'oppose aux signes religieux musulmans, plus on sécularise l'espace public. "Cela place tous ceux qui se revendiquent d'une identité chrétienne dans une position très contradictoire", souligne encore Olivier Roy.
Propos recueillis par Elisabeth Logean/kkub