La fin territoriale du califat du groupe Etat islamique en Syrie, avec la chute de son dernier bastion, relance la question de l'avenir de ses combattants étrangers faits prisonniers lors des combats.
Près d'un millier d'entre eux seraient détenus actuellement dans le nord de la Syrie, dont un certain nombre de citoyens de pays occidentaux. Or de nombreux Etats - dont la Suisse - refusent de rapatrier leurs ressortissants.
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Diverses formes possibles de justice internationale
Il existe diverses options juridiques pour juger ces djihadistes, comme la Cour pénale internationale (qui a jugé les crimes commis au Darfour) mais dont la Syrie ne fait pas partie.
Une deuxième solution serait de créer une cour ad hoc, à l'image du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), mais la décision dépend de la volonté des puissances siégeant au Conseil de sécurité de l'ONU.
On pourrait imaginer encore un accord entre deux ou plusieurs Etats pour créer un tribunal spécial, à l'instar du procès contre l'ancien président tchadien Hissène Habré.
Mais à l'heure actuelle, aucun Etat ne soutient la création de tels tribunaux. Les autorités kurdes, elles, n'ont pas les moyens de juger les djihadistes et leur détention pose un réel problème de sécurité et de logistique: à terme, certains pourraient s'échapper ou tout simplement être relâchés - avec des conséquences potentiellement explosives en Syrie ou dans leur pays d'origine.
"On a l’impunité totale en Syrie"
Interrogée mercredi dans le 19h30, l'ancienne procureure tessinoise Carla del Ponte qualifie les exactions commises en Syrie de génocide. "Et cela aussi du fait du Président Assad qui est intervenu violemment en commettant tous ces crimes de guerre, crimes contre l’humanité", précise-t-elle. "Il y a toute une intention criminelle qui continue, depuis maintenant huit ans", poursuit celle qui a été membre de la commission d'enquête indépendante chargée d'enquêter en Syrie. "On ne s’étonne plus, on a ces crimes et on ne s’en occupe plus. On a l’impunité totale en Syrie."
Pour Carla del Ponte, le lieu idéal pour un tribunal destiné à juger ces crimes serait la Jordanie: "J’estime que la Jordanie pourrait accueillir un tribunal international ad hoc pour les crimes commis en Syrie, ce qui permettrait d’éviter des frais énormes de traduction, de voyages", relève-t-elle notamment.
"Une honte pour le Conseil de sécurité"
Celle qui fut aussi procureure du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) conclut par une déclaration qui a fait sa marque de fabrique et qui ne lui a pas valu que des amis au fil de sa carrière: "C’est vraiment inconcevable, c’est vraiment une honte que le Conseil de sécurité [des Nations Unies] ne s’occupe pas de ce gros problème."
Antoine Silacci/Philippe Lugassy/oang