La liste des paradis fiscaux de l'OCDE est articulée en trois
parties: une liste noire des pays non-coopératifs en matière
d'échange d'informations (Costa Rica, Malaisie, Philippines et
Uruguay), une liste blanche des pays coopératifs, comme la France,
et la liste grise qui concerne elle les pays qui ont annoncé un
assouplissement dans leur politique d'information fiscale mais ne
l'appliquent pas encore (38 au total).
Par ailleurs, lors du sommet, les pays du G20 se sont accordés sur
une réforme profonde du système financier mondial .
La pression maintenue
La différenciation au sein de la liste des paradis fiscaux
permet aux pays du G20 de maintenir la pression sur les pays dont
on attend des mesures, comme la Confédération. "Si le mouvement
(initié par la Suisse) est terminé, la Suisse sera montée dans la
liste blanche, sinon, elle sera descendue dans la liste noire", a
prévenu le président français Nicolas Sarkozy lors de sa conférence
de presse à l'issue du sommet.
Les pays de la liste noire s'exposent à des sanctions comme un
alourdissement des démarches administratives, a précisé Nicolas
Sarkozy. Ils ne pourront en outre plus abriter de fonds provenant
des organisations internationales. Pour les pays du G20, "l'aire du
secret bancaire est révolu", peut-on lire dans le communiqué final.
Une déclaration forte qui témoigne que tous les pays étaient
convaincus de la nécessité d'une telle liste, ont expliqué les
délégations française et allemande.
Steinbrück ne lâche rien
Du coté de l'Allemagne, qui s'est fortement
engagée dans le combat contre les paradis fiscaux, la pression
envers la Suisse ne baisse pas. Le ministre des Finances Peer
Steinbrück a dit qu'il ne suffisait pas à Berne de concrétiser les
mesures dans quatre ou cinq ans.
Il s'est dit impatient de connaître les propositions venant de
Suisse. Dans un ton plus conciliant, la chancelière allemande
Angela Merkel a réaffirmé que la Suisse avait fait un "pas dans la
bonne direction" en acceptant les standards de l'OCDE.
Elle s'est montrée confiante que Berne, tout comme Berlin,
allaient commencer à négocier l'accord de double imposition au plus
vite. Elle a toutefois dit que la mise en place des mesures
d'assouplissement du secret bancaire, annoncée en mars par
plusieurs pays, allait être examinées en automne. Les dirigeants
des pays du G20 ont convenu de se revoir avant la fin de l'année.
La rencontre pourrait avoir lieu en marge de l'Assemblée générale
de l'ONU.
LES PARTIS SONT PEU SURPRIS
L'inscription de la Suisse sur une "liste grise" de l'OCDE, ne
surprend pas les partis.
"Le Conseil fédéral a agi intelligemment et au bon moment pour
éviter que la Suisse figure sur la liste noire", a indiqué le
président des libéraux-radicaux Fulvio Pelli. Mais la présence sur
une liste grise signifie que les grandes puissances ne relâcheront
pas leur pression. "La Suisse doit se préparer à bien négocier"
face à des pays du G20 rendus agressifs par la crise. Elle n'a de
chances de l'emporter qu'en montrant un front uni, estime le
Tessinois.
Pour le président du PDC Christophe Darbellay, il n'est guère
surprenant que la Suisse se retrouve sur une "espèce de liste
intermédiaire". Le Valaisan se dit avant tout soulagé que la Suisse
conserve le secret bancaire.
La présence de la Suisse sur une liste grise montre à quel point
la Confédération est isolée sur le plan international, analyse pour
sa part le vice-président du PS, Stéphane Rossini. Le salut de la
place financière helvétique réside dans une stratégie pour préparer
l'après secret bancaire, estime-t-il.
Les Verts, enfin, appellent la Suisse à prendre les devants dans
la renégociation des accords sur la double imposition conclus avec
ses partenaires. Les grandes puissances ne vont pas se contenter de
promesses, selon le président du parti écologique Ueli
Leuenberger.
Enfin, le vice-président de l'UDC Ivan Perrin dit "se sentir très
bien sur une liste grise". "J'aurais même préféré que la Suisse se
retrouve sur une liste noire plutôt que de céder tout de suite",
précise le Neuchâtelois. Pour lui, le mal est fait, la place
financière suisse a été affaiblie, notamment en transmettant les
noms de clients de l'UBS aux Etats-Unis.
ats/mej
Hans-Rudolf Merz reste serein
Le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz a réagi avec sérénité à l'annonce du G20. "Nous devions nous attendre à figurer sur une telle liste", a-t-il déclaré à la télévision alémanique SF.
C'est pour cela que le Conseil fédéral a décidé de reprendre les standards de l'OCDE le 13 mars dernier. Une décision qui a permis de faire baisser la pression, a-t-il estimé.
Selon lui, il faut maintenant veiller à respecter les procédures démocratiques dans la mise en oeuvre de cette décision. Le monde a toujours montré beaucoup de bienveillance pour la démocratie directe helvétique, "je suis convaincu que l'on comprendra que nous avons besoin de temps", a-t-il assuré.
Au 19:30 de la Télévision Suisse Romande, Hans-Rudolf Merz a également fait savoir que ses services étudieraient "avec attention" les listes de l'OCDE et l'attitude du G20 par rapport aux autres places financières comme les territoires britanniques de Jersey ou l'île de Man.
Le grand argentier de la Confédération s'est toutefois dit "d'une certaine manière" déçu de l'annonce faite par Nicolas Sarkozy. Bien que membre de l'OCDE, la Suisse n'a eu aucune possibilité de se faire entendre, a-t-il regretté, jugeant cette attitude "peu élégante".
De son côté, la ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf s'est déclarée "très étonnée et très déçue". "Il n'y a aucune raison de blâmer la Suisse", a-t-elle dit. Berne s'est montré coopérative et prête à renégocier ses accords de double imposition. "Je ne sais pas ce qu'on peut nous reprocher concrètement", a-t-elle déploré.