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Génocide au Rwanda: Paris reconnaît ses erreurs

Nicolas Sarkozy et Paul Kagame main dans la main sur la voie de la réconciliation.
Nicolas Sarkozy et Paul Kagame main dans la main sur la voie de la réconciliation.
Nicolas Sarkozy a reconnu jeudi que la France avait fait des «erreurs» lors du génocide au Rwanda en 1994, mais n'a pas présenté d'excuses officielles. Le président français a scellé avec son homologue Paul Kagame la réconciliation entre les deux pays après trois ans de brouille.

Au cours d'une visite de quelques heures à Kigali qu'il a jugée
à «très forte portée symbolique», le président français a dit
vouloir «tourner une page» et «réconcilier des nations» par le
biais d'«une coopération économique, politique, culturelle» entre
les deux pays.



«Des erreurs d'appréciation, des erreurs politiques ont été
commises ici et elles ont eu des conséquences absolument
dramatiques», a déclaré Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de
presse conjointe avec le président rwandais Paul Kagamé à
Kigali.



«Ce qui s'est passé ici est inacceptable, et ce qui s'est passé
ici oblige la communauté internationale, dont la France, à
réfléchir à ces erreurs qui l'ont empêchée de prévenir et d'arrêter
ce crime épouvantable».

Pas d'excuses

Le président français a notamment reconnu de «graves erreurs
d'appréciation», une «forme d'aveuglement» et des «erreurs dans une
opération Turquoise engagée trop tardivement» par Paris lors du
génocide de 1994, qu'il a qualifié de «défaite pour l'humanité
toute entière».



Pour autant, Nicolas Sarkozy n'a pas présenté les excuses
officielles de la France attendues par une partie de la population
rwandaise. «Les mots ont un sens. J'ai prononcé des mots qui sont
forts», a-t-il déclaré, en réponse à une question durant la
conférence de presse.



«Nous ne sommes pas ici pour nous amuser, pour faire une course au
vocabulaire. Nous sommes ici pour réconcilier des nations», a-t-il
ajouté. «Que les historiens fassent leur travail», avec «un peu de
temps, avec un peu de recul», a-t-il déclaré. «La réconciliation ne
peut pas attendre, mais le travail des historiens doit suivre sa
route».

La voie de la réconciliation

Arrivé jeudi matin à Kigali, Nicolas Sarkozy s'est rendu au
Mémorial du génocide rwandais, où gisent les corps de plus de
250'000 victimes, avant d'être accueilli par Paul Kagamé.



Le président français a appelé de ses voeux à la mise en place
d'«une relation bilatérale» entre Paris et Kigali. «Nous allons
bâtir une coopération économique, politique, culturelle qui ne
ressemblera sans doute à aucune autre», a-t-il déclaré.



Ainsi, «le centre culturel français ouvrira ses portes dès le
premier semestre de cette année», a-t-il annoncé. Une école
française ouvrira ses portes «à la rentrée 2010» et «RFI
recommencera ses émissions cette année», après trois ans
d'interruption.



Le président français a par ailleurs invité Paul Kagamé au sommet
Afrique-France de Nice en mai pour mener à bien cette «démarche
mutuelle», ce processus de réconciliation «qui évoluera étape par
étape».



agences/sbo

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Les causes de la discorde

Pour de nombreux Rwandais, la France, dont l'armée était présente lors du génocide, a au mieux fermé les yeux ou, pire, s'est rendue complice des exactions.

Les relations franco-rwandaises ont été mises à mal par la délivrance en 2006 de mandats d'arrêt internationaux visant neuf proches de Paul Kagamé dans la procédure antiterroriste menée par le juge Jean-Louis Bruguière sur l'attentat contre l'avion du précédent président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, considéré comme le point de départ d'un génocide qui a fait 800'000 morts, en grande majorité d'ethnie tutsie.

Soupçonnant le magistrat d'être aux ordres des autorités françaises, Kigali avait immédiatement rompu les liens avec Paris. Il aura fallu plusieurs rencontres au sommet, y compris entre les présidents Sarkozy et Kagamé en marge de réunions internationales, pour renouer le fil en 2009.

Jeudi, Nicolas Sarkozy a souhaité «que tous les génocidaires soient punis», mais a souligné que les dirigeants français étaient «tenus (...) par l'indépendance de la justice, par son calendrier, par ses procédures».