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La curieuse analyse de Benoît XVI sur les scandales pédophiles dans l'Eglise

Le pape émérite Benoît XVI (ici en décembre 2015). [AP/Keystone - Gregorio Borgia]
Curieuse analyse de Benoît XVI sur les scandales pédophiles dans l'Eglise / Forum / 3 min. / le 12 avril 2019
Dans un texte publié jeudi, Benoît XVI explique les scandales de pédophilie du clergé, notamment, par la révolution sexuelle des années 60 et "l'effondrement de la foi." L'analyse du pape émérite suscite étonnement et émotion.

Dans une lettre de 18 pages publiée par le "Klerusblatt", un mensuel bavarois destiné au clergé, Benoît XVI veut "aider à traverser cette heure difficile" après le sommet sur les abus dans l'Eglise catholique organisé en février par le pape François.

Il écrit que "la révolution de 1968 s'est battue pour une complète liberté sexuelle, qui n'admettait plus de normes." Dans la foulée, "la pédophilie a alors également été diagnostiquée comme permise et appropriée", poursuit-il.

Une autre conséquence, selon le pape émérite allemand, est "l'effondrement de grande ampleur" des vocations de prêtres. Il raconte comment "le radicalisme sans précédent des années 1960" a fait souffler une "modernité" dans toutes les strates de la société y compris dans les séminaires formant des prêtres.

"Cliques homosexuelles" dans les séminaires

"Des cliques homosexuelles se sont développées dans différents séminaires", sans trop se cacher, relève-t-il de manière surprenante pour illustrer son propos sur une certaine "dissolution de l'enseignement moral de l'Eglise".

Benoît XVI dresse également un constat assez amer d'une "société occidentale où Dieu a disparu de l'espace public" et où l'Eglise est perçue aujourd'hui comme "une sorte d'appareil politique". Et si la pédophilie a pris de telles proportions, c'est "par l'absence de Dieu", devenu une "préoccupation d'ordre privé d'une minorité" de croyants, écrit celui qui s'est retiré en 2013.

afp/oang

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L'effet d'une petite bombe

Benoît XVI, qui vit reclus dans un petit monastère de la Cité du Vatican, s'exprime très rarement depuis sa démission il y a six ans. Et son texte, qui le ramène sous les projecteurs, a fait l'effet d'une petite bombe chez certains théologiens ou pour des victimes d'abus sexuels.

José Andres Murillo, un Chilien victime d'abus du clergé, estime ainsi que "le narcissisme théologique" de Benoît XVI a "fait partie du problème de la culture d'abus et de silence de l'Eglise".

Dans un tweet, le théologien américain Brian Flanagan juge pour sa part que le lien que Benoît XVI fait avec les années 60 constitue "une explication fausse et embarrassante".

Perplexe elle aussi, la théologienne Marie-Jo Thiel, médecin et professeure d’éthique à la faculté de théologie de l’université de Strasbourg, s'interroge sur le site du journal La Croix: "Si la pédophilie est due à un manque de foi, pourquoi, alors, autant de prêtres parmi les abuseurs? Pourquoi autant de grands fondateurs de communautés nouvelles, que le pape Jean-Paul II n’a eu de cesse de donner en exemple?"

Auteure d’une vaste somme sur les abus sexuels dans l’Eglise, elle souligne que Benoît XVI "semble ne pas voir le problème d’ensemble, le lien avec les abus de pouvoir et de conscience qui n’apparaissent jamais dans ce texte. Ce texte pose beaucoup de questions."

Benoît XVI et la pédophilie dans l'Eglise

Avant de devenir pape, Joseph Ratzinger avait dirigé la Congrégation pour la doctrine de la foi (héritière de l'Inquisition), où il avait fait la chasse durant 24 ans à toutes les dérives liturgiques ou sociales.

Ce département du Vatican est également chargé d'étudier les dossiers d'abus sexuels du clergé parvenant au Vatican.

Professeur bavarois élu pape en 2005, il avait rapidement été confronté à des révélations en cascade d'abus sexuels commis sur des enfants par des membres du clergé.

Il avait notamment demandé en 2011 que les prêtres soupçonnés d'abus soient déférés devant la justice du Vatican.