"Du blocus, qui est la plus cruelle des mesures, on n'a pas dit
un mot", a affirmé Castro en commentant lundi la décision annoncée
par Washington, dans un article publié sur le site internet
officiel Cubadebate.
Cuba "n'accuse pas Obama des atrocités commises par d'autres
gouvernements des Etats-Unis" et ne doute pas de "sa sincérité et
de sa volonté de changer la politique et l'image des Etats-Unis",
affirme cependant Fidel Castro. "Elle comprend qu'il a livré une
bataille très difficile pour être élu, malgré des préjugés de
plusieurs siècles", ajoute-t-il, en expliquant que c'est pour cela
que son frère, le président Raul Castro, a exprimé sa bonne
disposition à dialoguer "sur la base du respect le plus strict de
la souveraineté".
"Une politique constructive"
Le leader cubain souligne le mouvement à l'intérieur et à
l'extérieur des Etats-Unis en faveur de l'élimination de l'embargo,
imposé en 1962, et affirme que "les conditions sont créées pour
qu'Obama utilise son savoir-faire à conduire une politique
constructive qui mette fin à celle qui a échoué depuis presque un
demi-siècle".
Dans son article, intitulé "Du blocus, on n'a pas soufflé mot",
Castro rappelle les termes du conseiller de l'administration
américaine pour l'Amérique Latine, Dan Restrepo, qui a affirmé en
annonçant la décision que ces mesures constituaient "des pas pour
tendre la main au peuple cubain" et en faveur de "la liberté de
Cuba".
"Cuba a résisté et résistera encore. Elle ne tendra jamais la main
pour demander l'aumône. Elle marchera de l'avant la tête haute, en
coopérant avec les peuples frères d'Amérique latine et des
Caraïbes, qu'il y ait ou non des Sommets des Amériques, qu'Obama
préside ou non les Etats-Unis", souligne-t-il.
Ouverture du dialogue
Avec cette levée des restrictions, les Américains d'origine
cubaine pourront voyager à Cuba et envoyer de l'argent à leurs
proches restés sur l'île, sans limitation. Ces nouvelles règles,
qui ne nécessitent pas l'accord du Congrès, concerneraient près de
1,5 million d'Américains dont un membre de la famille vit à
Cuba.
Il s'agit de la première mesure du président Obama depuis son
arrivée au pouvoir le 20 janvier dans le sens d'un allègement des
sanctions contre l'île. Les Etats-Unis imposent depuis 1962 un
embargo à Cuba, sauf pour les produits alimentaires et
pharmaceutiques. Cet embargo est régulièrement dénoncé par les
Nations unies.
L'annonce de ces nouvelles règles intervient à quelques jours du
sommet des Amériques, les 17 et 18 avril à Trinité-et-Tobago, au
cours duquel les présidents d'Amérique Latine ont l'intention de
demander la levée de l'embargo. Cuba, exclue de l'Organisation des
Etats américains (OEA) depuis 1962, n'est pas invitée à participer
aux sommets des Amériques.
Le vice-président américain Joe Biden a réaffirmé récemment que
Washington attendait un "engagement ferme" de Cuba en faveur des
droits de l'homme avant une éventuelle levée de l'embargo. Sept
représentants américains démocrates ont plaidé à Cuba la semaine
dernière pour l'ouverture d'un dialogue avec l'île.
afp/sbo
Une ouverture saluée par les Cubains
Les Cubains ont accueilli avec joie lundi la décision de Barack Obama de lever les restrictions sur les voyages et transferts d'argent de leurs proches exilés aux Etats-Unis.
La nouvelle a commencé à circuler de bouche à oreille dans l'île communiste, où de nombreux habitants ont été averti par un coup de téléphone d'un parent vivant à Miami. D'autres l'ont entendu sur les chaînes étrangères transmises par satellite, illégalement installées chez eux.
Des organisations américaines d'exilés cubains ont accueilli favorablement la décision d'Obama de lever des restrictions pesant sur les Américano-Cubains, y voyant un espoir de changement pour le régime castriste.
Pour Angel De Fana, de l'organisation d'anciens prisonniers politiques cubains "Plantado", "c'est une opportunité dont doivent profiter tous les Cubains qui veulent faire quelque chose pour leurs frères sur l'île, pour les prisonniers politiques et leurs familles".
La Fondation nationale cubano-américaine a pour sa part estimé que cette décision allait dans le bon sens pour faire avancer la démocratie à Cuba.
Chronologie
Les relations entre les Etats-Unis et Cuba ont été marquées depuis près d'un demi-siècle par un embargo commercial et des restrictions aux voyages des Américano-Cubains et des transferts d'argent vers l'île, dont la levée a été ordonnée lundi par Barack Obama.
Imposé en février 1962 par John F.Kennedy, l'embargo a été assoupli ou renforcé au fil des ans selon les administrations en place. Cuba estime à 93 milliards de dollars le coût infligé à son économie par l'embargo.
Janvier 1961 - Les Etats-Unis rompent leurs relations diplomatiques et consulaires avec Cuba.
Mars 1961 - Washington ordonne une réduction des achats de sucre à l'île.
Février 1962 - John F.Kennedy décide un embargo économique et financier contre Cuba.
Septembre 1962 - Washington interdit l'entrée des ports américains aux navires faisant du commerce avec Cuba.
Février 1963 - Entrée en vigueur des restrictions de voyages pour les Américains vers Cuba, après la crise des missiles.
Juillet 1963 - Gel des avoirs cubains.
Mars 1977 - Le président américain Jimmy Carter lève les restrictions de voyage à Cuba.
Avril 1982 - Le président Ronald Reagan réintroduit les restrictions de voyages à Cuba.
Décembre 1991 - Les Etats-Unis sont condamnés par l'Assemblée générale de l'ONU pour le maintien de l'embargo contre Cuba.
Octobre 1992 - L'administration de George Bush approuve une loi renforçant l'embargo (Loi Torricelli).
Mars 1996 - La loi Helms-Burton alourdit encore l'embargo.
Mai 2004 - George W.Bush annonce de nouvelles dispositions pour limiter les voyages (une fois tous les trois ans) et les envois d'argent à Cuba.
Décembre 2008 - Les pays d'Amérique latine et des Caraïbes réclament la levée de l'embargo. Cuba devient membre du groupe de Rio.
Avril 2009 - Barack Obama ordonne la levée des restrictions sur les voyages des Américano-Cubains et leurs transferts d'argent vers Cuba.