Corruption, course à la performance économique et mesures de sécurité ne font pas bon ménage dans les industries chinoises. En mars dernier, l'explosion d'une usine chimique à Yanchen, dans l'est de la Chine, a par exemple fait 78 morts et 600 blessés. Ce bilan officiel en fait l'un des plus graves accidents survenus ces dernières années dans le pays, après l'explosion de Tianjin, en 2015.
Le correspondant de la RTS s'est rendu dans les villages aux abords du parc industriel, juste une semaine après la déflagration mortelle.
Des habitants "impuissants"
"Je suis tellement fâché… Je me sens en colère et impuissant. Cette catastrophe aurait dû être évitée. Tout est illégal là-bas… Ils jouent avec le système, c’est la corruption", déplore un homme qui vit dans le hameau de Gaogangcun. Il assure que "tout le monde est de mèche: le bureau de la sécurité et le bureau de la protection environnementale".
"Pourquoi nous, les gens ordinaires, on ne savait pas qu'elle avait recommencé à produire? Avant l’explosion, ils avaient cessé la production pendant plusieurs mois. Ils ont dû la rouvrir en cachette. Nous on est vraiment très inquiets", abonde une femme du même village.
Maladies observées
Monsieur Hu, dont la maison menace de s'écrouler depuis l'explosion, est lui certain que l'usine "rend malades" les habitants. "Des cancers, on en a plein! Des cancers du foie et des cancers de l’estomac… Sans ces usines chimiques, il n'y en aurait pas autant. C’est dû à la pollution chronique, on n’attrape pas le cancer par simple inhalation… C’est l'exposition prolongée qui fait que la maladie nous envahit petit à petit", réagit-il.
Il explique pourtant qu'il est trop difficile pour "des gens modestes" comme lui d'aller s'installer ailleurs, faute de moyens.
Amélioration de l'économie locale
Un voisin, ancien cadre du Parti communiste chinois et enseignant à la retraite, vient corroborer ces propos. "Après l'implantation de cette zone industrielle, c’est vrai que l’économie locale s’est beaucoup améliorée. Une famille de trois personnes peut dégager un salaire de 1500 francs par mois. Les habits, la nourriture, on n’a tout désormais… Mais est-ce que ça veut dire qu'il faut ignorer l'impact sur la santé des gens, de nos enfants? Je dis toujours aux jeunes: partez dans d’autres provinces, gagnez 300 francs par mois là-bas plutôt que d’en empocher 600 ici. Vous voulez de l’argent, et la vie dans tout ça?", s'interroge-t-il.
Les habitants de Gaogangcun sont excédés et désabusés. Pourtant, le gouvernement central s’est engagé ces dernières années à nettoyer le secteur industriel.
De nombreuses ONG, dont Greenpeace, pointent cependant un système légal inadéquat et peu contraignant. Face au dilemme qui oppose développement économique et mesures environnementales, les autorités locales penchent souvent en faveur de l’économie, au grand dam des habitants de Gaogangcun, persuadés d’être sacrifiés sur l’autel de la croissance.
Michael Peuker/jvia