"Le changement climatique est là dès maintenant, pas dans des
décennies ou des siècles à venir", résume Jerry Melillo, l'un des
auteurs du rapport intitulé Global Climate Change Impacts in the United States .
Le réchauffement climatique s'est traduit par une élévation des
températures et du niveau des océans et par la fonte des glaciers
et celle précoce des neiges hivernales, souligne le rapport du
Programme de recherche américain sur le changement climatique,
rédigé par plusieurs ministères et la Maison Blanche.
De lourdes conséquences
Sans une modification de la consommation d'énergie, la hausse
des températures va provoquer des vagues de chaleur plus
fréquentes, avertissent les auteurs de l'étude, la première de
l'ère Obama. Les ouragans, qui s'abattent régulièrement sur le
sud-est, vont devenir encore plus dévastateurs à mesure qu'ils se
renforcent en survolant des océans plus chauds.
Les régions qui ont déjà constaté une hausse des précipitations
vont probablement subir des pluies et des chutes de neiges plus
abondantes à l'avenir, tandis que les régions arides, comme celles
du sud-ouest, devraient connaître davantage de périodes de
sécheresse. Le réchauffement va aussi avoir un impact sur
l'agriculture du fait de la hausse des températures et de la baisse
des précipitations dans le Middle West, le "grenier" du pays.
Un impact déjà irréversible
Il va aussi accroître la demande
d'énergie via l'utilisation accrue de systèmes de climatisation,
selon le rapport. Même s'il appelle à prendre rapidement des
mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre,
responsables du réchauffement climatique, le rapport souligne que
son impact est déjà largement irréversible.
"Même si l'on réduit les émissions, le changement climatique et
ses conséquences continueront en partie à se faire sentir, du fait
des gaz déjà présents dans l'atmosphère", prévient-il.
Depuis son arrivée à la Maison Blanche le 20 janvier, Barack Obama
a totalement réorienté la politique des Etats-Unis vis-à-vis du
changement climatique. Son prédécesseur George W.Bush, qui
contestait la réalité même du phénomène, avait refusé de faire
ratifier le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions
polluantes.
Projet de loi
Le Congrès est ainsi saisi d'un projet de loi qui vise à réduire
ces émissions en 2020 de 17% par rapport à leur niveau de 2005. La
majorité démocrate entend instaurer un système de marché de droits
d'émissions dans lequel ces droits seraient soit vendus, soit
accordés gratuitement pour les industries les plus vulnérables. Les
républicains sont opposés à ce système et souhaitent un plus grand
rôle pour l'énergie nucléaire.
L'administration américaine souhaite l'adoption de ce projet de
loi avant fin juillet, quelques mois avant la conférence
internationale de Copenhague en décembre qui doit voir l'adoption
d'un nouvel accord prenant la suite de celui de Kyoto. Mais le
secteur pétrolier américain ne désarme pas: le patron du groupe
ConocoPhillips a averti mardi que les efforts du gouvernement
américain pour lutter contre le changement climatique pourraient
donner lieu à une crise pétrolière encore plus grave que par le
passé.
Ce rapport est publié en même temps qu'une étude scientifique
internationale de l'université de Stanford, qui tire la sonnette
d'alarme face aux conséquences possibles du réchauffement
climatique en Afrique. Cette enquête montre que d'ici 2050, les
températures auront trop fortement et trop rapidement augmenté sous
l'effet du changement climatique pour permettre à l'Afrique
sub-saharienne d'adapter ses pratiques agricoles (lire
encadré).
afp/hof
Etude inquiétante sur l'agriculture africaine
D'ici 2050, les températures auront trop fortement et trop rapidement augmenté sous l'effet du changement climatique pour permettre à l'Afrique sub-saharienne d'adapter ses pratiques agricoles, selon une étude internationale.
Les auteurs sont "particulièrement inquiets" pour le Sénégal, le Tchad, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la Sierra Leone, "où les conditions futures n'auront rien à voir avec ce que (les cultivateurs) ont jamais connus", indiquent-ils.
Selon les dernières projections du Massachussets Institute of Technology (MIT), l'hypothèse moyenne de réchauffement (sur 400 scénarios envisagés) conduirait à une augmentation de +5,2°C à la fin du siècle (avec une probabilité de 90% que cette hausse se situe entre 3,5°C et 7,4°C). La précédente estimation du MIT, en 2003, misait sur une augmentation de 2,4°C.
Cette recherche, qui s'intéresse aux trois principales céréales produites et consommées en Afrique - maïs, millet et sorgho - a été conduite par l'Université de Stanford en Californie et le Global Crop Diversity Trust (Fonds pour la diversité des cultures, basé à Rome).
Selon ces travaux, publiés cette semaine dans la revue scientifique Global Environmental Change, il est urgent d'identifier et de conserver les semences capables de supporter des conditions qui, "dans quasiment la totalité des pays africains, seront plus chaudes que n'importe quelle année la plus chaude jamais enregistrée".
"En regardant les courbes de températures, nous avons estimé que pour la majorité des agriculteurs africains, le réchauffement induira des conditions (de culture) inédites dans leur pays", non seulement de températures mais aussi de précipitations, explique Marshall Burke, directeur du Programme pour la sécurité alimentaire et l'environnement à Stanford.
"Ce n'est pas comme la faillite du système bancaire où on peut réagir après coup", remarque Cary Fowler, du Global Crop Diversity Trust. "Si nous attendons qu'il fasse trop chaud pour cultiver du maïs au Tchad ou au Mali, il sera trop tard pour empêcher un désastre susceptible de déstabiliser une région entière et au-delà".
Les auteurs estiment cependant que la plupart des fermiers africains pourront trouver de nouvelles variétés de céréales chez leurs voisins, là où les conditions climatiques sont déjà proches de celles qu'ils connaîtront en 2050. Par exemple, les fermiers du Lesotho, l'un des pays africains les plus frais, peuvent compter sur des maïs actuellement cultivés par leurs confrères du Mali, l'un des pays les plus chauds du continent. Plusieurs pays - Soudan, Nigeria, Cameroun, Mozambique... présentent déjà un climat très semblable à celui qu'éprouveront de nombreux pays du continent d'ici 2050.
"Malheureusement, très peu de variétés qui y sont actuellement utilisées sont disponibles dans les banques de semences". Mais pour les six pays jugés particulièrement préoccupants, "les chances de trouver des ressources génétiques tolérantes aux hautes températures sont beaucoup plus faibles".
Plus de 40% de la population africaine vit avec moins d'un dollar, dont 70% résident dans les zones rurales et dépendent de l'agriculture. "Des changements aussi brutaux des modes de production risquent d'entraîner une sérieuse dégradation des conditions de vie (...), mais aussi des famines, une baisse de la croissance économique et aussi des risques de guerre civile" estiment les auteurs.