Le nombre de pays où les journalistes peuvent exercer leur métier en toute sécurité continue à se réduire. L’édition 2019 du Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF) révèle une hostilité grandissante face aux médias.
Sur la carte du monde, seulement 24% des 180 pays et territoires étudiés affichent une situation "bonne" ou "plutôt bonne" pour la liberté de la presse, contre 26% en 2018. La Norvège conserve pour la troisième année consécutive sa place de tête, devant la Finlande et la Suède, alors que la Suisse figure au 6e rang (voir encadré).
"Si le débat politique glisse subrepticement ou manifestement vers une ambiance de guerre civile, où les journalistes font figure de victimes expiatoires, les modèles démocratiques sont en grand danger", explique Christophe Deloire, secrétaire général de RSF.
Dégradations sur le continent américain
Les plus grandes dégradations des conditions de travail touchent l'Amérique du Nord et du Sud. Les présences de Donald Trump aux Etats-Unis, de Jair Bolsonaro au Brésil et de Nicolas Maduro au Venezuela accentuent ce climat de défiance vis-à-vis de la presse.
Le Nicaragua (114e), qui dévisse de 24 places, subit l’une des baisses les plus significatives en 2019. Les journalistes nicaraguayens qui couvrent les manifestations anti-gouvernement Ortega, considérés comme des opposants, sont fréquemment agressés. Le continent abrite aussi l’un des pays les plus meurtriers, le Mexique, où au moins dix journalistes ont été assassinés en 2018.
En fin de classement se trouvent, le Vietnam (176e), la Chine (177e) et l’Erythrée (178e), alors que le Turkménistan (180e) est désormais dernier à la place de la Corée du Nord (179e). En dépit d’une dégradation moins importante cette année de son indice régional, la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord reste celle où il est le plus dangereux pour les journalistes d’exercer leur profession.
Mais aussi dans l'Union européenne
L’Union européenne et les Balkans enregistrent la deuxième plus forte dégradation du classement. Dans cette zone qui reste celle où la liberté de la presse est la mieux respectée, les journalistes doivent aujourd’hui faire face aux pires menaces: le meurtre à Malte, en Slovaquie et en Bulgarie (111e), des attaques verbales et physiques notamment en Serbie ou au Monténégro (104e, -1).
Les violences ont aussi atteint un niveau inédit en France lors des manifestations de gilets jaunes, au point que nombre d’équipes de télévision n’osent plus afficher leur logo ni couvrir les manifestations sans être accompagnées de gardes du corps. Ce pays n'est ainsi classé que 32e.
La stigmatisation des journalistes s’affiche aussi désormais de façon décomplexée: en Hongrie, les responsables du parti de Viktor Orban refusent de répondre aux journalistes qui ne travaillent pas pour des médias considérés comme amis. En Pologne, ce sont les médias publics transformés en instruments de propagande qui permettent d’exercer des pressions.
agences/boi
La Suisse 6e
La Suisse se situe toujours parmi les pays où la liberté de la presse est la mieux protégée, mais perd une place, passant du 5e au 6e rang sur 180. Ce recul n’est toutefois pas significatif, puisqu’il est dû avant tout au meilleur score obtenu par le Danemark, qui retrouve la place qu’il occupait il y a deux ans.
Une analyse plus détaillée fait apparaître la principale zone d’ombre planant sur la liberté de la presse en Suisse. Elle tient à la précarité économique toujours plus visible de bon nombre de médias: effectifs en baisse, moyens réduits pour le journalisme d’investigation, diversité des contenus mise à mal, couverture insuffisante des événements locaux.
RSF Suisse s’alarme de ce constat et demande que le débat politique sur l’aide aux médias entre dans une phase plus concrète.