Un verdict tombé comme une enclume jeudi soir dans le silence de la salle d'audience, bientôt ponctué par les larmes de reconnaissance des familles des victimes. Dans son box, Abdelkader Merah a à peine courbé les épaules.
L'homme de 36 ans a été condamné pour association de malfaiteurs terroristes et complicité d'assassinat par une cour d'assises composée de magistrats professionnels. La décision a été rendue après douze heures de délibération.
Sa peine est assortie d'une peine de sûreté des deux tiers.
"Comment peut-on être complice de la chose la plus abominable qui soit et prendre 30 ans? Tous les professionnels de la justice sont surpris par ce verdict", a réagi l'avocat de l'accusé, Eric Dupond-Moretti, indiquant qu'il envisageait "bien entendu un pourvoi en cassation".
Mentor, cerveau et complice de son cadet
En première instance, le 2 novembre 2017, cet ex-caïd de cité, converti depuis 2006 à un islam radical, avait été condamné à 20 ans de prison pour association de malfaiteurs terroriste mais relaxé de l'accusation de complicité.
Tout au long de son deuxième procès, commencé le 25 mars, l'accusation et les parties civiles se sont efforcées de démontrer qu'il avait non seulement été le mentor de son cadet mais aussi le cerveau et le complice de ses actes.
Mohamed Merah, qui se réclamait d'Al Qaïda, a tué de sang-froid en mars 2012 trois militaires, trois écoliers juifs et le père de deux d’entre eux, à Toulouse et Montauban, avant d'être abattu par la police.
Pour le ministère public, Abdelkader Merah était lié à son frère par "une communauté d’esprit de projets et d’action".
L'accusé nie
L'accusé a pour sa part nié jusqu'au bout toute implication dans l'équipée meurtrière de son cadet, qui a bouleversé la perception du terrorisme en France, trois ans avant les attentats de 2015 à Paris et Saint-Denis.
Ses avocats ont dénoncé un procès pour l'exemple et défendu la thèse selon laquelle il n’avait fourni "aucune assistance" à des actes "dont il ignorait tout".
sjaq et les agences
De la première instance au procès en appel
En première instance, la cour avait retenu un faisceau d'indices prouvant selon elle la participation d'Abdelkader Merah à une association de malfaiteurs terroristes, comme la découverte chez lui d'un manuel du djihadiste, sa présence lors du vol du scooter utilisé par son frère ou auprès de lui avant et après chaque tuerie. Mais elle n'était pas allée jusqu'à retenir la complicité.
Pendant le procès en appel, accusation et parties civiles ont notamment insisté sur des imprécisions dans son emploi du temps ou l'enregistrement par Mohamed Merah de sa rencontre avec sa première victime, le soldat Imad Ibn-Ziaten, à qui le tueur prétendait acheter une moto.
Sur cet enregistrement effectué par Mohamed Merah avec une caméra GoPro, on entend Imad Ibn-Ziaten demander "C'est un pote à toi ?" et l'assassin répondre: "Ouais, c'est mon frère."
Si un ex-enquêteur a maintenu que les investigations avait écarté l'implication d'Abdelkader Merah, l'avocat de la famille Ibn-Ziaten, Me Francis Szpiner, a défendu l'idée que cet échange montrait qu'il était au moins en couverture.