La nature souffre comme jamais auparavant dans l'histoire de l'humanité, selon cette étude de l'IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques), qui joue un rôle de vigie scientifique équivalent à celui du Giec pour le climat.
Une espèce sur huit pourrait disparaître à moyen terme si l'humanité ne réagit pas rapidement. Il s'agit de la plus violente crise biologique depuis l'avènement de l'homme moderne, unique responsable de ce phénomène dont il paie, lui aussi, les conséquences.
Amphibiens très exposés
Extrapolant à partir de multiples évaluations d'espèces, l'IPBES dresse une liste alarmante: un million d'espèces sont ce jour en danger de disparition, dont beaucoup dans les prochaines décennies. Cela concerne plus de 40% des amphibiens et un tiers des récifs coralliens, des requins et des mammifères marins. Les estimations sont moins certaines pour les insectes, dont environ 10% des 5,5 millions d'espèces seraient menacés.
Au moins 680 espèces de vertébrés ont déjà disparu à cause de l'action de l'homme depuis le 14e siècle.
Des causes humaines
Les auteurs de l'étude relèvent cinq causes, toutes d'origine humaine: la destruction des habitats naturels, la surexploitation des ressources, le dérèglement du climat, les pollutions de toutes sortes et le développement d'espèces exotiques envahissantes.
Les hommes exploitent et polluent la nature plus que jamais dans l'histoire. Résultat, 75% de l'environnement terrestre a été "gravement altéré" et 66% de l'environnement marin est également touché. Plus d'un tiers des terres et trois-quarts des ressources en eau sont utilisés pour la production agricole et l'élevage, et l'agriculture continue de s'étendre, surtout aux dépens des forêts tropicales.
À ce jour, le rapport de l'IPBES est l'évaluation mondiale la plus complète sur l'état de la biodiversité et des services écosystémiques. En tout, 150 auteurs ont rédigé ce rapport de 1700 pages. Il s'appuie sur 15'000 études publiées et a été amélioré par plus de 20'000 commentaires de chercheurs et de gouvernements.
agences/gma
Un rôle pour la Suisse
Maintenant que le diagnostic est posé, les experts exhortent les responsables politiques à mener d'ambitieux "changements transformateurs" à même d'enrayer le processus. "C'est maintenant qu'il faut agir", alerte le président du groupe d'experts, le Britannique Robert Watson, pour qui l'humanité doit revoir complètement son rapport à la nature.
"Dans ses mesures de promotion de la biodiversité et des services écosystémiques, la Suisse doit non seulement garder un oeil sur son propre territoire, mais aussi partager la responsabilité des efforts mondiaux", a déclaré Andreas Heinimann du Centre pour le développement et environnement et de l’Institut de géographie de l'Université de Berne, auteur d'un des chapitres du rapport.
La Suisse, un cas particulier
"La Suisse est un pays densément peuplé, surtout avec un relief très accentué, ce qui fait que les activités humaines se concentrent en basse altitude et en plaine, avec une utilisation du sol extrême", explique le professeur Raphaël Arlettaz, biologiste (UNIBE) dans le 19h30. "Ce sont des petites actions faites au niveau individuel qui changent la donne, comme manger moins de viande." Végétaliser son balcon ou fleurir une prairie sont des gestes "sources d’espoir pour la biodiversité."
Le spécialiste regrette surtout un rapport à la nature oublié. "Si on veut vraiment protéger la nature, il faut qu'on la ressente, que nos sens soient en éveil, et ça fera la différence."
>> Les explications de Raphaël Arlettaz, biologiste, dans le 19h30: