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Création de deux conseils de transition sur la table au Soudan

Des manifestants arrachent une bannière représentant le lieutenant général Abdel Fattah Al-Burhan Abdelrahman, la tête du gouvernement de transition au Soudan. [Reuters - Umit Bektas]
Au Soudan, les généraux rechignent à céder le pouvoir aux civils / La Matinale / 1 min. / le 6 mai 2019
Les médiateurs soudanais dans les pourparlers entre pouvoir militaire et chefs de la protestation ont proposé la création de deux conseils, dont l'un dirigé par des généraux et chargé de la sécurité du pays, a déclaré dimanche un responsable du mouvement de contestation.

Cette proposition intervient au moment où les pourparlers sur la formation d'un conseil unique sont dans l'impasse, les chefs de l'armée et ceux de la protestation divergeant sur la composition de cet organe de transition.

"Il y a une proposition (des médiateurs) d'avoir deux conseils, l'un dirigé par des civils et l'autre par des militaires", a déclaré Omar al-Digeir, membre de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation qui secoue le pays depuis plus de quatre mois. "Le conseil dirigé par les militaires sera en charge des questions concernant les aspects sécuritaires du pays", a-t-il dit, ajoutant que "les prérogatives exactes" des deux conseils n'avaient pas encore été définies. "Aucune décision finale n'a encore été prise", selon lui.

>> Les précisions d'Ariane Lavrilleux, envoyée spéciale à Khartoum :

Les protestataires ont manifesté pacifiquement aux abord du QG de l'armée à Karthoum. [AP/Keystone - Salih Basheer]AP/Keystone - Salih Basheer
Les manifestants au Soudan veulent empêcher l'armée de confisquer la transition / Forum / 3 min. / le 5 mai 2019

Divergences entre civils et militaires

Des divergences sont apparues entre les deux parties au sujet de la composition d'un conseil conjoint, les généraux exigeant qu'il soit majoritairement militaire, tandis que les leaders de la contestation insistent pour qu'il soit dirigé par des civils.

Un des meneurs du mouvement de protestation a exprimé dimanche son opposition à la proposition de deux conseils: "Nous sommes contre cette idée, nous ne voulons qu'un seul conseil souverain et symbolique, avec une représentation militaire", a déclaré Siddig Youssef, chef du Parti communiste soudanais, qui fait partie de l'ALC. "Nous voulons un système parlementaire dans lequel le pouvoir serait aux mains du Parlement et du cabinet", a-t-il déclaré: "L'armée ne devrait participer qu'à un organe chargé des questions de sécurité et de défense".

Une réponse à venir

Le porte-parole du Conseil militaire, le général Chamseddine Kabbachi, a quant à lui déclaré aux journalistes que les médiateurs n'avaient soumis aucun document "officiel".

Selon lui, le conseil donnera lundi sa réponse sur l'ensemble des propositions des représentants des manifestants sur les structures des prochaines institutions de l'Etat.

afp/sjaq

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Après un mois de sit-in, les manifestants imaginent les futurs visages du Soudan

Depuis un mois jour pour jour, des milliers de Soudanais bravent chaleur et poussière devant le siège de l'armée à Khartoum pour réclamer un nouveau Soudan. L'absence de confort ne les empêche pas de rêver, certains de démocratie, d'autres de prospérité économique.

Tous demandent une amélioration de leurs conditions de vie, mais beaucoup veulent aussi, par exemple, un Soudan "débarrassé des islamistes". "Ils ont littéralement détruit le pays", affirme un manifestant.

En 1989, les islamistes ont soutenu le coup d'Etat qui a permis l'accession au pouvoir d'Omar el-Béchir, renversé le 11 avril dernier par l'armée après près de quatre mois d'une contestation populaire inédite, déclenchée par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain en décembre.

Ils sont des centaines à déambuler le long du boulevard qui longe le QG de l'armée. L'ambiance est bon enfant. Interrogés sur ce qu'ils imaginent pour le Soudan post-Béchir, les manifestants, jeunes ou moins jeunes, ne cachent pas leur enthousiasme: "Nous voulons un pays où les gens compétents accèderont à l'emploi sans passe-droits", lance Mohammed Adel Haï, un étudiant de 22 ans qui dit "camper depuis un mois pour que son rêve ne soit pas trahi".

"Nous voulons un pays (...) dirigé par les civils et non plus par des islamistes", affirme avec force ce futur ingénieur qui n'a connu d'autre régime que celui du président déchu et réclame désormais "une démocratie".

Euphorie et prudence

"Il y a maintenant un mélange d'euphorie et de prudence sur l'avenir du pays", analyse le centre de réflexion londonien Chatham House dans une récente étude sur les perspectives d'avenir du Soudan.

Prudence car les tractations entre les leaders de la contestation et le Conseil militaire de transition au pouvoir piétinent.

Leur succès dépendra selon les experts de la capacité des uns et des autres à formuler des compromis, acceptables pour l'autre camp mais aussi pour la majorité des Soudanais qui aspirent, pour la plupart, simplement à une vie meilleure.