A la veille d'une réunion ministérielle du Conseil de l'Arctique, organe diplomatique de référence, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a dénoncé une attitude "agressive" de la Chine et de la Russie et de leurs intérêts dans le Grand Nord. Il s'inquiète notamment de risques de corruption et de pollution découlant de l'influence du premier et des intérêts militaires du second.
A l'heure où Pékin fait la promotion d'un vaste projet économique, la géographie stratégique de l'Arctique présage l'ouverture de nouvelles voies maritimes. Important investisseur, "la Chine veut son billet territorial pour développer un continuum maritime, pour ancrer le commerce mondial entre l'Europe et l'Asie", explique dans Forum Mikaa Mered, professeur de géopolitique à l'Institut libre d'étude des relations internationales à Paris, spécialiste des zones arctiques et antarctiques.
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Autant de tensions que de perspectives
Quant aux sols entourant le Pôle Nord, ils sont riches en hydrocarbures. "On estime ces ressources à 412 milliards de barils 'équivalents pétrole', c'est environ deux fois celles de l'Arabie saoudite", précise Mikaa Mered, citant la référence du service géologique américain datant de 2008. "Depuis, l'Arctique a pris encore plus d'intérêt [...] Il y a aussi des enjeux autour du bois, de la pêche ou d'autres types de ressources minérales".
Ces réserves exceptionnelles sont convoitées par les grandes puissances mondiales, sur fond de tensions politiques et commerciales. "Les pays membres du Conseil et ceux qui ont un statut d'observateur, comme la Chine, vont faire en sorte de se concentrer sur la question du développement, au-delà de l'environnement." Avec le changement climatique, on assiste à une redistribution des cartes, selon l'expert. "Il y a différents types d'enjeu, donc différents types de tension".
A l'origine, la question environnementale
Et pourtant, le Conseil de l'Arctique, qui se déroule lundi et mardi à Rovaniemi en Finlande, n'est pas prévu pour discuter croissance économique (voir encadré). "Il va surtout parler des enjeux de coopération directe, comme de l'environnement surtout et de science, c'est pour ça qu'il a été créé", continue Mikaa Mered. "Les enjeux sécuritaires ou économiques sont en fait gérés par d'autres organismes en Arctique."
Lundi, le secrétaire d'Etat américain a aussi indiqué que l'administration Trump allait désormais s'attacher à contrecarrer la Chine et la Russie et a promis une annonce plus tard cette semaine. Selon le site d'information Politico, il pourrait s'agir d'une présence consulaire accrue sur le territoire autonome danois du Groenland, où les Etats-Unis ont fermé leur consulat en 1953 et où Mike Pompeo est attendu jeudi.
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Propos recueillis par Julien Bangerter/afp/ani
L'activité du Conseil de l'Arctique
Créé en 1996, le Conseil de l'Arctique est le principal forum intergouvernemental à promouvoir la coopération entre pays arctiques, autochtones et habitants de cette région. Il rassemble huit États membres (Etats-Unis, Russie, Suède, Canada, Norvège, Islande, Danemark et Finlande), six groupes indigènes, 39 organisations au statut d'observateurs, dont 13 Etats parmi lesquels la Chine et la Suisse. Le Conseil a été formé pour discuter en particulier des enjeux liés au développement durable et à la protection de l'Arctique.