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Comment l'Europe a souri à la Slovaquie, nouvel eldorado automobile

Vignette Slovaquie
Suite de la série européenne. / 19h30 / 3 min. / le 22 mai 2019
#EuropExpress (3/5). Chaque soir, du 20 au 24 mai, RTSinfo propose un reportage dans une capitale d'Europe, où trois journalistes se sont rendus en train à la rencontre des habitants et de leurs préoccupations. Troisième arrêt: Bratislava.

L'air sérieux, chemise blanche, Roman Fizaine travaille dans un immeuble sans charme en bordure de Bratislava. Chaque matin, il se rend au bureau en voiture depuis sa maison située à vingt minutes de là… en Hongrie. "L'Europe, je la vis. D'abord parce que je suis moi-même Franco-Slovaque.

Dans son bureau, Roman Fizaine travaille dos à un immense drapeau européen. [RTS - Juliette Galeazzi]
Dans son bureau, Roman Fizaine travaille dos à un immense drapeau européen. [RTS - Juliette Galeazzi]

Je travaille ici, je dors là-bas. Ma mère vit en Autriche. J'ai étudié en Belgique", énumère ce chef d'entreprise qui dirige une société de transports express.

Il y a dix ans, Roman Fizaine est venu s'installer en Slovaquie par opportunisme, las des contrats précaires en France, où il a grandi. A 39 ans, il fait partie de cette génération à qui l'ouverture des frontières a profité d'un point de vue personnel et professionnel.

Chaque jour, des camions partent de ses entrepôts, destination les quatre coins de l'Europe chargés de marchandises produites à Bratislava.

Volkswagen, PSA, Jaguar...

Stratégiquement située au cœur de l'Europe, la Slovaquie est un modèle d'intégration à l'Union européenne. Troisième bénéficiaire des fonds structurels européens sur la période 2014-2020, avec 2833 euros par tête d'habitant, elle affiche depuis dix ans des taux de croissance positifs grâce notamment à l'industrie automobile.

Avec sa main d'œuvre qualifiée et bon marché, ce petit pays de 5,4 millions d'habitants, spécialisé dans l'industrie lourde au temps des communistes, n'a pas tardé à devenir l'eldorado des constructeurs. Le sud-coréen Kia Motors, le français PSA Peugeot Citroën, l'allemand Volkswagen et plus récemment le britannique Jaguar Land Rover se sont installés en Slovaquie, ainsi que plus de 300 groupes spécialisés dans le

Le constructeur allemand Volkswagen emploie 14'000 personnes en Slovaquie. [RTS - Juliette Galeazzi]
Le constructeur allemand Volkswagen emploie 14'000 personnes en Slovaquie. [RTS - Juliette Galeazzi]

secteur.

En 2017, plus d'un million de voitures ont quitté les chaînes de production locales et les exportations du secteur ont atteint 3,7 milliards d'euros. Ce dynamisme séduit les investisseurs étrangers et cela se voit. Dans le quartier d'affaires de Bratislava, Nivy,  les chantiers se multiplient et les tours sont de plus en plus nombreuses à gratter le ciel.

Inégalités et corruption

Mais la santé économique de la capitale et de sa région ne s'étend pas à l'ensemble du pays. Ces dernières années, les inégalités sociales se sont creusées dans la population ainsi qu'entre régions. Dans les services publics, les fonctionnaires se plaignent des salaires qui restent bas malgré l'inflation. Et puis il y a la corruption, rampante.

Si les Slovaques votent peu aux européennes, ce n'est pas à cause de la corruption. C'est qu'ils se sentent loin de Bruxelles et n'ont pas vraiment l'impression de pouvoir changer les choses

Marek Vagovic, journaliste aktuality.sk

En février 2018, le journaliste Jan Kuciak a été tué avec sa fiancée alors qu'il s'apprêtait à publier un rapport sur les liens présumés entre des hommes politiques slovaques et la mafia italienne, ainsi que sur des détournements de fonds agricoles européens. Un double meurtre qui a provoqué un sursaut citoyen.

Une "lueur d'espoir"

Des manifestations massives dans plusieurs villes du pays ont conduit à la démission du Premier ministre Robert Fico, remplacé par un de ses proches. Puis fin mars, l'électorat a donné un autre signe de son ras-le-bol en offrant la

Une affiche du parti Slovaquie progressiste pour les européennes, à l'entrée de Brastislava. [RTS - Juliette Galeazzi]
Une affiche du parti Slovaquie progressiste pour les européennes, à l'entrée de Brastislava. [RTS - Juliette Galeazzi]

présidence à l'avocate libérale, Zuzana Caputova, au nez et à la barbe des populistes corrompus qui ont dirigé le pays ces dix dernières années. "C'est une lueur d'espoir, mais l'épreuve de vérité pour la Slovaquie sera les élections législatives de 2020", commente Marek Vagovic, journaliste aktuality.sk où travaillait Jan Kuciak.

L'élection de cette femme de 45 ans, qui prendra ses fonctions mi-juin, a rendu espoir aux progressistes d'une Europe centrale où les régimes illibéraux à tendance national-populiste s'enracinent. Et dans le bureau de son parti, Slovaquie progressiste, à deux pas du centre touristique de Bratislava, la candidate aux européennes Zora Kaurova (en blanc sur l'affiche) espère bien profiter de cet élan citoyen pour entrer au Parlement de Strasbourg.

Dans un anglais presque parfait, elle explique: "La majorité des Slovaques sont pro-européens, mais le plus souvent ils ne sont même pas conscients que les décisions de l'UE affectent leur vie". De fait, en 2014, seuls 13% des électeurs slovaques avaient participé aux élections européennes. Sera-ce différent en 2019? Réponse le samedi 25 mai.

>> Toute la série #EuropExpress : De l'Italie à la Pologne, voyage en train dans l'Europe des populistes

Juliette Galeazzi avec Tristan Dessert et Stephen Mossaz

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