La cour "ordonne à l'Etat français (...) de prendre toutes mesures aux fins de faire respecter les mesures provisoires demandées par le Comité international des droits des personnes handicapées le 3 mai 2019 tendant au maintien de l'alimentation et l'hydratation" de Vincent Lambert, selon la décision dont l'AFP a pris connaissance.
Cette annonce intervient alors que l'arrêt des soins avait commencé lundi matin pour Vincent Lambert, un patient en état végétatif depuis un accident de la route en 2008 et hospitalisé à Reims, sous haute surveillance.
Validée par le Conseil d'Etat fin avril, cette interruption consistait, selon une source médicale, en l'arrêt des machines à hydrater et alimenter, en une sédation "contrôlée, profonde et continue" de cet homme aujourd'hui âgé de 42 ans, ainsi qu'en une prise d'analgésiques "par précaution".
"Du sadisme pur"
"C'est vraiment du sadisme pur de la part du système médico-judiciaire. On nous refait le coup tout le temps. Il y a une jouissance de la part de ceux qui font tous ces recours" juridiques, a déclaré lundi soir à l'AFP François Lambert, le neveu du patient, qui soutient, avec la femme de Vincent Lambert, la fin de ce qu'ils considèrent comme de l'acharnement thérapeutique.
Opposée à l'arrêt des soins, la mère de Vincent Lambert, de son côté, a déclaré à l'AFP: "On était en train d'éliminer Vincent! C'est une très grande victoire! Ils vont le réalimenter et lui redonner à boire. Pour une fois, je suis fière de la justice".
Revirement tardif
"Dans cette période douloureuse, j'espère pour Monsieur Vincent Lambert que chacun saura ouvrir une parenthèse et se rassembler, auprès de lui, afin que ces moments soient les plus paisibles, intimes et personnels possible", avait écrit lundi matin le Dr Sanchez, chef de service des soins palliatifs, dans un e-mail à la famille.
Invoquant le "droit à la vie", les avocats des parents avaient annoncé dimanche trois nouveaux recours contre cette décision, auprès du Conseil d'Etat, de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et de la cour d'appel de Paris. Lundi après-midi, la CEDH avait rejeté ce recours faute d'éléments nouveaux à ses yeux. Mais la cour d'appel de Paris, elle, a ordonné lundi soir la reprise des traitements.
Les traitements ont donc repris mardi à Reims en présence des avocats de Vincent Lambert. "Ce n'est pas un sursis, c'est un nouveau départ. Le combat, à partir d'aujourd'hui, c'est le transfert de Vincent dans une unité spécialisée où il sera pris en charge de manière bienveillante par des spécialistes et non plus par ce CHU qui n'a fait de lui qu'un mort en sursis", a déclaré l'un des hommes de loi.
afp/cab/vic
Symbole du débat sur la fin de vie
Tragédie intime à l'origine, cette affaire est devenue le symbole du débat sur la fin de vie et déchire sa famille depuis six ans: d'un côté, les parents fervents catholiques, un frère et une soeur s'opposent à l'arrêt des soins; de l'autre, son épouse Rachel, son neveu François et cinq frères et soeurs du patient veulent mettent fin à cet "acharnement thérapeutique".
Vincent Lambert n'a pas laissé de directives anticipées. Mais son épouse et son neveu affirment qu'il avait pris position contre tout acharnement thérapeutique.
Les parents Viviane (73 ans) et Pierre (90 ans), qui considèrent leur fils comme lourdement handicapé et réclament à ce titre son transfert dans un établissement spécialisé, ont multiplié en vain les recours depuis que la plus haute juridiction a validé la procédure d'arrêt des soins, demandée par le CHU en avril 2018. La quatrième depuis 2013...
Appel lancé à Emmanuel Macron
Samedi, les avocats des parents de Vincent Lambert ont imploré Emmanuel Macron de maintenir les traitements, qualifiant la mort programmée du patient de "crime d'Etat commis au prix d'un coup de force contre l'Etat de droit".
Le président Emmanuel Macron a répondu lundi qu'il ne lui "appartient pas de suspendre" l'arrêt des traitements, décidé, "en conformité avec nos lois", à quelques jours des élections européennes.
Père de la loi de 2016 régissant la fin de vie, Jean Leonetti, également premier vice-président LR, estime que l'arrêt des soins de Vincent Lambert s'inscrit bien "dans le cadre de la loi", affirmant que "dans les hôpitaux, presque 60% des patients lorsqu'ils meurent, ils meurent après une limitation ou un arrêt des traitements."