Pologne, tiraillée entre enthousiasme et scepticisme
A l'Est, la Pologne est souvent qualifiée d'eurosceptique, surtout depuis que le pays est gouverné par le PiS, un parti populiste qui dénonce le "Diktat" de Bruxelles.
Malgré cela, les derniers sondages indiquent que 80% des Polonais sont en faveur de l’Union européenne. Et pour cause, depuis son adhésion en 2004, le pays a été l'un des plus grands bénéficiaires des aides européennes.
Aides européennes constructives
Dans la campagne polonaise, au sud-ouest de Varsovie, la commune de Slawno a fait peau neuve. Depuis l'adhésion, son maire a développé 64 projets, dont la moitié a été en partie financée par l'UE. Skate-park, terrains de sports , maisons de retraites, canalisations ou encore parc géologique.
Les habitants sont reconnaissants envers l’Europe. Mais cela n’empêche pas une partie de voter pour les populistes du PiS au pouvoir, pour des questions religieuses et patriotiques, estime le maire.
Les agriculteurs ont également été les principaux bénéficiaires des fonds européens, aux côtés des Français, ce qui leur a permis d'améliorer leurs infrastructures. Mais la complexité de la bureaucratie bruxelloise tend à en exaspérer certains, qui préféreraient être mieux payés plutôt que de dépendre des aides.
Jeunesse divisée
Si le gouvernement de Varsovie est quasiment en guerre avec Bruxelles, les jeunes Polonais, eux, se montrent plutôt euro-enthousiastes. Beaucoup sont pour la libre-circulation, la liberté de la presse, la démocratie.
De récentes atteintes à l'Etat de droit, comme une large purge dans les médias et la restriction du droit à l’avortement ont poussé de nombreux jeunes dans la rue, qui jusqu’ici était plutôt la scène de l’extrême droite.
Pourtant, habités par un esprit patriote très ancré dans le pays, une partie des jeunes Polonais ne supportent pas les réprimandes que fait Bruxelles à leur gouvernement, comme une procédure de sanction lancée l'année passée.
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La jeunesse polonaise se retrouve ainsi polarisée et tiraillée entre ses valeurs démocratiques et son attachement à sa patrie.
Immigration sélective
Depuis l'adhésion à l'UE en 2004, environ 2 millions de citoyens polonais ont migré en France ou au Royaume-Uni à la recherche d'un meilleur salaire. Aujourd'hui en manque de main-d'oeuvre, le pays qui refuse les migrants en provenance de pays musulmans accueille volontiers une immigration ukrainienne.
De nombreuses agences de travail temporaire, créées par des Polonais, recrutent Ukrainiens et Biélorusses, qui trouvent dans ce pays de meilleures conditions économiques.
A 2 heures de Varsovie, la ville de Lodz, ancienne capitale du textile, est en plein boom. Elle tend ses bras aux étudiants et aux employés.
"On a récemment débuté un programme d’allocation pour les citoyens ukrainiens, explique la maire Hanna Zdanowska. Pour qu’ils viennent, non seulement travailler chez nous, mais aussi pour qu’ils s’y installent avec leurs familles et construisent leur avenir ici."
Une immigration bien accueillie donc, car elle permet au pays de tourner à moindre frais. Mais une immigration sélective, blanche et culturellement proche.
Portugal, pays à l'aise dans son Europe
A l'Ouest, l'euro-optimiste Portugal. Ce pays fait figure d'exception, avec son économie en plein boom, son gouvernement favorable à l’immigration et une scène politique sans partis populistes.
Le Portugal est pourtant un véritable rescapé de la crise de la zone euro. La cure budgétaire qui lui a été alors imposée fut rude: licenciements, hausse des taxes, hausse du coût des transports et de la santé, allongement du temps de travail.
Néanmoins, le ressentiment à l’égard de Bruxelles n'a pas été exacerbé par cette période tourmentée. Si une certaine méfiance envers la classe politique en général se fait ressentir, celle-ci n'a pas grand lien avec l'UE.
Ainsi, le climat ambiant ne semble pas propice à l'émergence de figures populistes comme Marine Le Pen ou Matteo Salvini. D'autant plus qu'en 2015, ce sont les socialistes, soutenus par les communistes, qui annonçaient la fin de l’austérité.
Aide européenne
Pour le Portugal, l’adhésion à l'UE a été synonyme de normalisation d’un pays isolé par des décennies de dictature, mais également de développement grâce aux aides financières.
Le domaine de la recherche scientifique, par exemple, en a particulièrement profité. Sur le campus de la nouvelle université de Lisbonne, à la pointe du secteur des nanotechnologies, les coûteuses machines des laboratoires portent le sigle européen.
"Ce type d'équipement aurait été complètement impossible à acheter avec des ressources nationales, relève Elvira Fortunato, vice-rectrice et professeure en sciences des matériaux. Il faut avoir des projets européens, sinon on ne peut pas se développer ni être compétitifs."
En sciences, comme dans d'autres domaines, l'argent est le nerf de la guerre. Et l'argent de l'Union européenne est apprécié à sa juste valeur au Portugal.
Faire revenir les jeunes
Dans les années 2010, en pleine crise européenne, des centaines de milliers de Portugais ont quitté le pays. Des régions entières se sont vidées de leurs bras et de leurs cerveaux. Le gouvernement conservateur de l’époque les a même encouragés à partir.
Désormais, le message est inversé : le pays a besoin d'eux. Des jeunes font déjà la chemin inverse pour lancer commerces et starts-up. Mais ils se heurtent à des prix du logement en hausse et des conditions difficiles.
Le défi actuel du gouvernement est d'accélérer ce retour au pays. Pour cela, il vient de lancer le programme "Regressar" - littéralement "retourner" - qui s’adresse à celles et ceux partis avant 2015. Si ces derniers se réinstallent au Portugal ces deux prochaines années, ils paieront pendant 5 ans la moitié des impôts sur le revenu.
Immigration bienvenue
Le peu de débat autour de l'immigration est une autre particularité du Portugal par rapport au reste de l'Europe. Ce pays s'affiche clairement ouvert aux migrants, précisément parce qu’il n’est pas sur leur route et reçoit donc peu de candidatures d'asile spontanées.
Du coup, le Portugal joue pleinement le jeu de la répartition européenne. Le gouvernement actuel a même annoncé: "Nous voulons plus d’immigrés", phrase qui, dans la plupart des pays de l’UE, serait politiquement suicidaire.
"Mais heureusement pas au Portugal, aussi parce qu'on a un problème démographique et de main-d'oeuvre", explique Paulo Pisco, député socialiste et membre de la commission des affaires étrangères.
"C'est aussi une façon d'être à la hauteur de notre histoire, ajoute-t-il. Des Portugais sont partis partout dans le monde. C'est donc notre devoir de savoir accueillir ceux qui nous demandent. Et en plus on a besoin d'eux. C'est une maladie de l'Europe que d'assister à tout cet essor de populisme et de nationalisme."
Reportages radio: Céline Tzaud et Alexandre Habay
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