Cette décision de justice a été autant saluée par des milieux
associatifs que dénoncée par des groupes religieux d'une République
indienne laïque et multiculturelle, mais réputée être prude et
conservatrice.
L'article 377 du code pénal de 1860, qui criminalise les relations
homosexuelles consenties, surtout la sodomie, constitue une
"violation des droits fondamentaux" de la Constitution, a tranché
la Haute cour. "Il ne faut pas oublier que la discrimination est
l'antithèse de l'égalité qui élève la dignité de tous les
individus", ont argumenté les juges.
Plus que la loi, des mentalités à changer
Jusqu'à présent, la loi pénale qualifie l'homosexualité de
comportement "contre nature" puni d'une amende et de dix années
d'emprisonnement. Même si la législation est très rarement
appliquée, des associations de défense des gays se plaignent de
vexations, intimidations, voire harcèlements par des
policiers.
Certes, l'arrêt de la Haute cour de Delhi n'a pas de portée
jurisprudentielle pour toute l'Inde. Les juges ont toutefois plaidé
pour que l'article incriminé n'ait plus force de loi dans
l'ensemble des juridictions, en cas de rapports homosexuels entre
"adultes consentants dans un cadre privé", a expliqué Tripti
Tandon, avocate de plaignants.
Cet arrêt de justice intervient alors qu'une ministre a prudemment
évoqué ce week-end un éventuel amendement législatif qui
dépénaliserait l'homosexualité. Une réunion interministérielle est
programmée dans les prochains jours. Mais l'Etat indien a toujours
été extrêmement équivoque sur cette question.
Ménager les susceptibilités religieuses
Il s'agit en effet de ne pas s'aliéner les groupes religieux
conservateurs hindous, musulmans ou chrétiens pour lesquels
l'homosexualité n'est "pas naturelle", voire est une "maladie".
Dépénaliser l'homosexualité "est une erreur totale", a fustigé
Ahmed Bukhari, imam de la Jama Masjid à Delhi, la plus grande
mosquée de l'Inde.
"Nous n'accepterons pas une telle loi" amendée, a-t-il assuré. Le
père Babu Joseph, président de la conférence épiscopale catholique
indienne, a dit "respecter l'arrêt de la Haute cour" tout en
"soutenant que l'homosexualité n'est pas un comportement acceptable
en société".
L'Inde n'est pourtant pas sourde aux recommandations
d'organisations internationales, notamment du Programme des Nations
unies pour le développement (PNUD), affirmant qu'une dépénalisation
contribuerait à lutter contre la propagation du virus HIV du sida
qui touche quelque 2,5 millions d'Indiens.
Se plaçant sur un terrain plus idéologique, l'organisation
américaine Human Rights Watch a jugé que "les vestiges juridiques du
colonialisme britannique servaient depuis trop longtemps à priver
les gens de leurs droits fondamentaux".
afp/jeh
Onusida salue un précédent exemplaire
La dépénalisation en Inde des rapports sexuels entre adultes de même sexe pourrait établir un "important" précédent pour les pays où l'homosexualité demeure interdite et faciliter l'accès aux soins pour les personnes atteintes par le sida, a estimé jeudi Onusida.
L'annonce en Inde "va établir un important précédent dans le monde", a indiqué Susan Timberlake du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (Onusida).
Dans les 80 pays où l'homosexualité est punie par la loi, "la législation et l'homophobie (...) ont pour résultat un déni des droits de l'Homme pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes, pour les transsexuels et les lesbiennes", a poursuivi Susan Timberlake, lors d'une conférence de presse à Genève.
Cette situation entraîne pour ces populations "un refus des soins dont ils ont besoin d'urgence" en raison de la pandémie de VIH, a-t-elle ajouté.
L'avocat Anand Grover, qui a plaidé pour la dépénalisation des rapports homosexuels devant la Haute cour de Delhi, a décrit cette décision comme "historique".
"L'Inde avait été le premier pays à adopter des lois anti-sodomie (...) et cette loi s'était ensuite répandue dans l'ensemble du Commonwealth", a-t-il rappelé.
En Inde, les homosexuels atteints par le VIH pourront désormais plus facilement avoir accès aux renseignements et aux soins, a précisé Pradeep Kakkattil d'Onusida.