C'est un soir comme les autres près du périphérique à Paris. A 23h30, la course contre la montre commence pour les rares bénévoles qui maraudent la nuit pour apporter une aide d'urgence aux migrants en déroute.
Chaque soir, ces deux jeunes femmes doivent prioriser la misère. "On est obligés de sélectionner qui, selon nous, est le plus vulnérable pour avoir une plus grosse couverture ou une petite parce qu'on n'a pas les stocks", indique Julie Lavayssière, membre de l'association Utopia 56.
Les années ont passé, les plaintes des voisins et les évacuations aussi. Vers 1h00 du matin, une famille monte sa tente à toute vitesse pour abriter deux enfants. Ils parlent persan. "Tomorrow we go", expliquent-ils dans un anglais approximatif.
Des "invisibles"
"Les migrants sont totalement invisibilisés (...) Plus personne ne se plaint, plus personne ne porte plainte. Il y a moins de policiers pour les expulser vu qu'ils ne dérangent plus personne là où ils sont", poursuit Julie Lavayssière.
Une cinquantaine de personnes arrivent chaque jour dans la capitale française. "Les gens vont faire leur demande d'asile. La préfecture verra qu'ils sont dans le fichier qui s'appelle Eurodac, qui répertorie toutes les empreintes. Ils verront qu'ils sont déjà passés par l'Allemagne ou l'Italie", indique Zelda Gayet. "La France est obligée de les prendre mais elle ne le fera pas. C'est un jeu de ping-pong comme ça entre les pays", souligne encore cette bénévole, elle aussi engagée pour Utopia 56.
Un quartier submergé
A la Porte d'Aubervilliers, des dizaines de migrants sont arrivés du jour au lendemain. Ils cherchent de l'aide partout, notamment au centre social et culturel du quartier qui n'a pas du tout vocation à s'occuper des questions migratoires normalement. Leurs besoins submergent les habitants et les travailleurs sociaux.
C'est une vision inhumaine. On la subit tous les jours, quand on va travailler, quand on sort de chez nous... Eux, ce sont les victimes, mais nous aussi nous devenons victimes
A 19h30, une famille de Géorgiens, déboutés, vient d'arriver. Il y a quelques jours ils ont fui la ville de province où ils habitaient pour éviter l'expulsion. Leurs enfants ont été déscolarisés brutalement. Zelda Gayet parviendra à leur trouver un logement chez l'habitant pour la nuit.
Ramad, un Afghan sans papiers, n'aura pas cette chance. Il dit avoir passé trois ans dans les Grisons avant de s'être vu refuser l'asile. "Ils ont pris mes empreintes digitales en Suisse, je ne peux aller nulle part. Je ne sais pas ce que je devrais faire", se désespère-t-il. Ce soir, il dormira dans la rue.
Adeline Percept/jgal