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"Vous avez déserté la Libye", accuse le Premier ministre Fayez Al-Sarraj

Le chef du gouvernement d'union nationale libyen Fayez Al-Sarraj, Tripoli, le 26 mai 2019. [RTS - Maurine Mercier]
Interview de Fayez Al-Sarraj, Premier ministre libyen / L'actu en vidéo / 2 min. / le 28 mai 2019
Alors que la capitale libyenne est en proie à une offensive depuis près de deux mois, le Premier ministre Fayez Al-Sarraj, soutenu par la communauté internationale, a accordé une interview à la correspondante de la RTS en Afrique du Nord Maurine Mercier.

Il y a 3 ans, Fayez Al-Sarraj est devenu chef du gouvernement d'union nationale, sous l'égide de l'ONU. Sa mission était de stabiliser le pays et d'instaurer un début de démocratie.

Pourtant, la capitale où il siège est aujourd'hui attaquée par l'homme fort de l'Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar, qui tente de s'emparer de tout le pays. Un militaire avec qui le Premier ministre avait tenté de négocier en le rencontrant à plusieurs reprises.

"J'ai fait confiance à Haftar et c'est sans doute ma principale erreur", regrette l'homme de 59 ans. "Nous étions sur le point de nous réunir pour une conférence et de préparer des élections. Au lieu de cela, il a lancé une attaque contre Tripoli. Il m'a poignardé dans le dos."

>> Voir le long format sur cette offensive : En Libye, la bataille pour Tripoli

Aujourd'hui, plus question de négocier, et encore moins d'envisager une division du pays. "C'est une ligne rouge, ça n'arrivera jamais! Nous avons hérité d'une Libye unie et elle le restera."

Le Premier ministre refuse catégoriquement de penser à la démission, lui qui se voit à la tête du gouvernement légitime, celui qui "défend la construction d'un Etat démocratique contre ceux qui veulent imposer une dictature".

Fayez Al-Sarraj rejette les accusations du maréchal Haftar de ne pas réussir à se débarrasser des milices qui gangrènent le pays depuis 2011.

"Lorsque j'ai été nommé, il y avait plus d'une centaine de groupes armés à Tripoli. Aujourd'hui, il n'y en a plus que 4 ou 5. On a réussi à intégrer la plupart de ces milices dans nos instances sécuritaires."

>> Ecouter l'interview de Fayez Al-Sarraj dans l'émission Tout un Monde :

La correspondante de la RTS, Maurine Mercier, interview le chef du gouvernement d'union nationale libyen Fayez Al-Sarraj, Tripoli, le 26 mai 2019. [RTS - Maurine Mercier]RTS - Maurine Mercier
Interview de Fayez Al-Sarraj qui cherche le soutien des Européens dans la bataille de Tripoli / Tout un monde / 7 min. / le 28 mai 2019

Responsabilité de la communauté internationale

Dans sa "lutte pour la démocratie", Fayez Al-Sarraj appelle la communauté internationale à le soutenir. Non pas par une intervention militaire comme en 2011, mais en arrêtant d'accorder du crédit politique au maréchal Haftar en l'invitant dans toutes les capitales. Et en cessant de lui livrer des armes.

Vous vous êtes débarrassés de Kadhafi sans vous soucier de la suite. Vous avez déserté la Libye.

Fayez Al-Sarraj, Premier ministre libyen

"La responsabilité de la communauté internationale remonte à 2011. Vous vous êtes débarrassés de Kadhafi sans vous soucier de la suite. Vous êtes partis sans nous aider à construire un Etat. Vous auriez dû rester pour nous aider à bâtir des institutions solides, une armée, et à nous débarrasser des armes qui pullulent dans le pays. Mais vous n'avez rien fait de tout cela. Vous avez déserté. "

Le Premier ministre met en garde contre les conséquences de ce conflit. Pour la Libye, mais aussi pour l'Europe. "Cette guerre ouvre un boulevard au terrorisme. On le voit avec les récentes attaques dans le sud du pays."

"Nous avons aussi plus de 800'000 migrants qui tenteront encore plus de prendre la mer vers l'Europe. Et vous savez que les terroristes s'infiltrent aussi dans ces groupes."

"Nous serons tous affectés", alerte Fayez Al-Sarraj. "Nous évidemment, mais aussi l'Europe, toute la région. Le monde entier en subira les conséquences."

Interview radio: Maurine Mercier

Adaptation web: Mouna Hussain

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La désillusion des civils

Après 6 semaines de combats, Tripoli compte plus de 500 morts et 2500 blessés. Quelques 100'000 civils sont actuellement piégés dans des quartiers transformés en zones de combat.

La situation dans la capitale se dégrade rapidement, constate la correspondante de la RTS en Afrique du Nord, Maurine Mercier, qui retourne pour la seconde fois à Tripoli depuis le début de cette offensive. À une semaine d'intervalle, l'atmosphère devient de plus en plus lourde.

Comme plus personne ne croit à la fin de la guerre, la loi du plus fort règne. Une agressivité latente explose au moindre prétexte. Les habitants se terrent chez eux, alors que les rues sont habituellement animées les soirs du mois de Ramadan.

Les espoirs de démocratie des Tripolitains semblent s'être évanouis, ainsi que la confiance dans les politiques. Leur amer constat, que ce soit Haftar ou Al-Sarraj; "ce sont tous les mêmes, ces gens détruisent le pays, ils se battent pour le pouvoir."