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France: Frédéric Mitterrand dans la tourmente

Frédéric Mitterrand se voir reprocher son penchant pour les jeunes garçons dévoilé dans son roman "La mauvaise vie".
Frédéric Mitterrand se voir reprocher son penchant pour les jeunes garçons dévoilé dans son roman "La mauvaise vie".
Figure du gouvernement français de Nicolas Sarkozy, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand traverse sa première épreuve politique, accusé d'une mansuétude exagérée à l'égard de Roman Polanski et rattrapé par des écrits sur le tourisme sexuel.

Le ministre français de la culture a répondu mercredi aux
attaques du Parti socialiste (PS) et du Front national (FN) lui
reprochant ses anciens écrits sur son penchant sexuel pour les
jeunes garçons et son soutien au cinéaste Roman Polanski.

"La mauvaise vie" dans le collimateur

Les détracteurs du ministre font référence à «La mauvaise vie»,
journal intime sorti en 2005 où il évoque des scènes de tourisme
sexuel avec des «gosses». Lundi soir, la vice-présidente du Front
national, Marine Le Pen avait ouvert le feu en lisant des extraits
du livre sur France 2: «Qu'est-ce qu'on peut dire aux délinquants
sexuels quand Frédéric Mitterrand est encore ministre de la
Culture?».



A la sortie du conseil des ministres, Frédéric Mitterrand a
contre-attaqué. «Se faire traîner dans la boue par le Front
national est un honneur», a-t-il dit dans la cour de
l'Elysée.



Mais les attaques sont aussi venues du Parti socialiste. «En tant
que ministre de la Culture, il s'illustre en prenant la défense
d'un cinéaste accusé de viol sur mineure et il écrit un livre où il
dit avoir profité du tourisme sexuel, je trouve ça a minima
choquant», a déclaré à Reuters le porte-parole du PS, Benoît Hamon.
«On ne peut pas prendre la défense d'un cinéaste violeur au motif
que c'est de l'histoire ancienne et qu'il est un grand artiste et
appartenir à un gouvernement impitoyable avec les Français dès lors
qu'ils mordent le trait», a-t-il insisté.

«Les bras m'en tombent»

Pour le député socialiste Patrick Bloche, «le problème, c'est
que dans sa fonction ministérielle, il a été amené à tenir des
propos qui ont immanquablement rappelé à certains ce qu'il a
écrit». «Je fais la part entre le romancier d'hier et le ministre
d'aujourd'hui, même si je répète que ce qu'il a écrit dans son
livre m'est totalement insupportable et est pour moi sur un plan
moral et peut-être même politique tout à fait inacceptable», a-t-il
dit à la presse.



Frédéric Mitterrand a répliqué mercredi à ces dernières attaques,
jugeant «bien dommage de pouvoir imaginer que des élus de gauche
aillent rejoindre le Front national». «Les bras m'en tombent»,
a-t-il dit à la presse. «Si le Front national me traîne dans la
boue, c'est un honneur. Si un élu de gauche me traîne dans la boue,
c'est une honte pour lui».



Le ministre s'est expliqué devant les élus sur ses propos tenus
peu après l'arrestation de Roman Polanski en Suisse pour une
affaire de moeurs datant des années 1970 aux Etats-Unis. «Il y a eu
peut-être trop d'émotion de ma part. J'avais eu la femme de Roman
Polanski une heure avant au téléphone et j'étais un peu
impressionné, ému par son sort», a-t-il raconté.



«Aucun artiste n'est au-dessus des lois mais aucun artiste n'est
au-dessous des lois et le fait d'être un très grand artiste de
notoriété internationale, d'une capacité de réaction absolument
admirable, entraîne aussi pour Roman Polanski une appréciation
extrêmement vive de son statut et un danger de lynchage
médiatique», a ajouté le ministre.



agences/cht

"LA MAUVAISE VIE", UN OUVRAGE A SUCCES



Le livre de Frédéric Mitterrand «La mauvaise vie», paru en 2005, a
d'abord été un ouvrage à succès - près de 190.000 exemplaires. Dans
ce récit qualifié par un critique d'»autobiographie mi-réelle,
mi-rêvée», l'auteur revisitait son enfance choyée, son adolescence
hantée par les blessures que lui vaut l'homosexualité.



Celui qui est devenu ministre décrit son goût pour la
clandestinité, l'habitude prise très tôt de payer les étreintes des
garçons et ces «foires aux éphèbes» où le mépris de celui qui est
payé n'a d'égal que le mépris de celui qui paye.



Parmi les scènes les plus fortes: des pages hallucinées dans des
maisons closes de Thaïlande où des jeunes gens défilent devant des
hommes venus du monde entier, des nuits pluvieuses à Jakarta où le
narrateur cueille un «boy» aux allures de paysan athlétique.
«L'argent et le sexe, je suis au coeur de mon système, celui qui
fonctionne enfin, car je sais qu'on ne me refusera pas», écrit
l'auteur, face à cette profusion de chair à l'étal.



Lors de sa sortie, le livre n'avait suscité aucune des critiques
dont il est l'objet aujourd'hui. «L'accueil de la presse avait été
extraordinaire, unanime», se souvient Betty Nialet, son éditrice.
«Quand on le lisait dans le corps du texte, cela n'a choqué
personne. Il a été reconnu comme un vrai écrivain avec ce
livre-là». Pour elle, dans cet ouvrage, Frédéric Mitterrand «ne
fait pas l'apologie» du commerce des corps, «il se torture
littéralement, il pose les problèmes éthiques et moraux».



Ce succès critique s'est accompagné d'un grand succès public, avec
une édition de poche et, annonce Betty Nialet, une prochaine
parution aux Etats-Unis puisque la traduction en anglais du livre
est en cours.

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Soutien de l'Elysée

Homme de culture, de cinéma et de télévision et neveu de l'ancien président François Mitterrand, Frédéric Mitterrand, 62 ans, n'avait jamais eu d'engagement politique très clair, mais son seul nom représentait une victoire politique pour Nicolas Sarkozy.

Au moment de sa nomination, le livre "La Mauvaise vie" n'avait été que timidement évoqué, sans provoquer de polémique. Mais c'est l'arrestation de Roman Polanski qui déclenché les premières critiques, après que le ministre de la Culture fut intervenu avec fougue pour défendre le cinéaste franco-polonais.

Dès le 27 septembre, Frédéric Mitterrand avait jugé "absolument épouvantable" l'arrestation de Roman Polanski pour «une histoire ancienne qui n'a pas vraiment de sens».

Des propos qui n'engageaient que lui, souligne mercredi dans «Le Figaro» le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant. «C'étaient ses mots à lui, il a sa sensibilité et il est ministre de la Culture. Le porte-parole du gouvernement Luc Chatel a dit les choses différemment», a-t-ilsouligné.

A la différence du Front national, les socialistes n'ont pas demandé sa démission du ministre. «Je fais pas dans la surenchère politique. Je dis juste que c'est choquant et qu'on ne peut pas tout relativiser dans la vie», a dit Benoît Hamon. Pour le député socialiste Patrick Bloche, la question d'une démission «n'est pas posée, elle ne se pose pas».

Relayée par les journalistes, l'affaire a commencé à être commentée dans les couloirs du Palais-Bourbon. Le député UMP François Goulard a rappelé avoir reproché au ministre son soutien à Roman Polanski. «Ça m'avait choqué, a-t-il dit. «Maintenant ce qu'il a raconté ou ce qu'il a éventuellement fait autrefois c'est une autre affaire, moi je m'occupe de politique, pas de vie privée».

Le député socialiste Arnaud Montebourg s'est refusé à tout commentaire avant d'avoir lu le livre en question. «Je me méfie du colportage médiatique, donc moi je veux avoir le dossier. Vous n'aurez pas de réponse tant que je n'aurai pas lu (le livre), je voudrais vérifier tout ça», a-t-il dit à la presse.