Le chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki, dont le
pays fait face à des critiques grandissantes à l'étranger sur la
légitimité du scrutin du 12 juin et la répression des
manifestations, a aussi affirmé que Téhéran envisageait de diminuer
le niveau de ses relations avec Londres (lire ci-contre).
Affrontements entre manifestants et policiers
Des affrontements entre manifestants et policiers anti-émeutes
ont éclaté mercredi à Téhéran près du Parlement, selon trois
témoins, quelques heures après un nouvel avertissement lancé par le
guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a souligné que le
régime "ne céderait pas aux pressions" en faveur de l'annulation de
la présidentielle du 12 juin. L'épouse de Mir Hossein Moussavi, le
candidat qui récuse la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, a dénoncé
une situation s'apparentant à la loi martiale.
Trois témoins ont expliqué à l'Associated Press que des centaines
de personnes s'étaient rassemblées sur la place Baharestan, proche
du parlement. D'après eux, des policiers frappaient les
contestataires à l'aide de matraques, lançant des gaz lacrymogènes
et tirant en l'air. Certains manifestants ripostaient aux forces de
l'ordre tandis que d'autres prenaient la fuite vers une autre place
de Téhéran, à environ 1,6 km plus au nord. La télévision publique a
annoncé un peu plus tard que les forces de sécurité avaient
dispersé quelque 200 manifestants.
Fermeté
Le mouvement de contestation populaire, sans précédent depuis la
révolution de 1979, accuse les autorités de fraude et réclame en
vain une annulation du scrutin. Mais le pouvoir islamique a
rétorqué qu'il ne cèderait pas à la pression de la rue, comme le
guide suprême Ali Khamenei l'a rappelé mercredi.
"Lors des récents incidents concernant l'élection, j'ai insisté
(sur la nécessité) d'appliquer la loi et je continuerai d'insister
la dessus. Ni le système, ni le peuple, ne cèderont à la force",
a-t-il lancé.
Arrestations au QG de Moussavi
Les autorités ont également maintenu la pression sur le camp
Moussavi en arrêtant quelque 25 journalistes et membres du
personnel du quotidien Kalemeh Sabz, lancé pour soutenir sa
campagne électorale puis interdit de paraître.
"Il y a cinq ou six membres du personnel administratif et le reste
sont des journalistes. Ils ont été arrêtés lundi", a déclaré
Alireza Beheshti, membre de la rédaction en chef du journal.
Cinq femmes faisant partie des personnes arrêtées ont été
libérées. La police a annoncé avoir effectué une descente dans "le
siège de campagne d'un des candidats", selon l'agence Irna. Ce lieu
n'est autre que le journal de Mir Hossein Moussavi, selon Alireaz
Beheshti.
Selon la police, l'endroit servait à mener "des activités pour
organiser les récentes manifestations et émeutes (...) et des
actions contre la sécurité nationale".
Moussavi tenu responsable du sang versé
Mir Hossein Moussavi se retrouve encore un peu plus isolé après
qu'un autre candidat contestant la régularité du scrutin, Mohsen
Rezaie, eut retiré sa plainte auprès du Conseil des gardiens de la
Constitution, chargé de valider les élections en Iran. Cet organe
doit désormais rendre sa décision d'ici lundi. Une décision qui
semble déjà acquise, son porte-parole ayant indiqué que rien ne
semblait devoir invalider le scrutin.
La presse ultraconservatrice s'en est violemment prise à Mir
Hossein Moussavi. "Vague populaire pour demander à Moussavi des
comptes sur le sang versé", écrit en une le quotidien Kayhan, dont
le directeur est nommé par le guide suprême. Durant les
manifestations, au moins 17 personnes sont mortes et plus d'une
centaine ont été blessées, selon un bilan officiel.
agences/jeh
Londres dément et déplore
Londres a assuré mercredi chercher à nouer une "relation constructive" avec l'Iran et jugé "profondément regrettable" que Téhéran tente de transformer la contestation interne au résultat de l'élection présidentielle en dispute avec les puissances occidentales.
"Nous suivons la situation", a déclaré à la presse le porte-parole du Premier ministre britannique Gordon Brown, après des déclarations du ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki selon lesquelles Téhéran envisagerait de diminuer le niveau de ses relations avec la Grande-Bretagne.
"Nous sommes au courant de ces informations", a-t-il ajouté. "Nous avons toujours clairement dit que nous cherchons une relation bilatérale constructive avec l'Iran, basée sur le respect mutuel."
"La décision de tenter de transformer ce qui est clairement une affaire interne à l'Iran en un conflit avec le Royaume-Uni et d'autres est profondément regrettable et sans fondement", a repris le porte-parole.
Les commentaires du chef de la diplomatie iranienne sont survenus alors que Londres et Téhéran ont expulsé de part et d'autre deux diplomates, Téhéran accusant la Grande-Bretagne de se mêler de ses affaires internes et de jouer un rôle dans la vague de contestation que connaît le pays.
Depuis la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad le 12 juin, l'Iran est le théâtre de manifestations de protestation sans précédent depuis la révolution de 1979.
La CIA en financier d'émeutiers
Les "émeutiers" manifestant contre la réélection du président iranien Mahmoud Ahmadinejad ont reçu des fonds de la CIA américaine a accusé mercredi le ministre iranien de l'Intérieur Sadegh Massouli.
Selon ce dernier, l'opposition en exil a également fourni de l'argent.
"De nombreux émeutiers ont des liens avec les Etats-Unis, la CIA et les Monafeghine (appellation des Moudjahidine du peuple, principal groupe de l'opposition armée iranienne) et ont reçu une aide financière de leur part", a déclaré Sadegh Mahsouli, cité par l'agence Fars.