Modifié

Chine: des émeutes font 156 morts au Xinjiang

La télévision CCTV a diffusé des images de violences urbaines.
La télévision CCTV a diffusé des images de violences urbaines.
Au moins 156 personnes ont été tuées et plus de 800 autres blessées dimanche dans des émeutes ethniques à Urumqi, capitale régionale du Xinjiang majoritairement peuplé de musulmans, les plus meurtrières en Chine depuis des décennies.

Au lendemain de ces violences orchestrées, selon Pékin, par la
dissidence ouïghoure en exil, les autorités ont renforcé la
sécurité dans toute la région autonome, située dans l'extrême
nord-ouest chinois, aux confins de l'Asie centrale. Des centaines
de personnes ont été arrêtées.



Urumqi s'est embrasée dimanche soir quand des milliers d'émeutiers
sont descendus dans les rues et ont attaqué des Hans (chinois de
souche), selon les témoignages d'habitants. La télévision chinoise
a montré lundi des blessés couverts de sang, des véhicules brûlés
et des foules jetant des pierres sur les forces de l'ordre ou
retournant des voitures de police.



Ces violences ont fait près de 160 morts et un millier de blessés,
selon un bilan officiel qui pourrait s'alourdir encore. "C'est
l'incident ethnique le plus grave depuis la fin de la Révolution
culturelle (1966-1976) si les chiffres sont confirmés", a indiqué
l'organisation Human Rights Watch.

Répression politique et religieuse

La région, peuplée notamment de 8,3 millions de Ouïghours, des
musulmans turcophones, est régulièrement la proie de troubles,
alors que certains groupes y militent pour un "Turkestan oriental"
indépendant.



Des habitants dénoncent une répression politique et religieuse
menée par la Chine, sous couvert de lutte contre le terrorisme, et
s'insurgent contre la sinisation de leur terre. Cette vaste région
aride constitue l'une des deux zones, avec le Tibet, où Pékin
redoute particulièrement l'instabilité.



La flambée de violence d'Urumqi évoque d'ailleurs les émeutes de
Lhassa, la capitale régionale du Tibet, de l'an dernier: le 14 mars
2008, des émeutiers tibétains avaient attaqué des Hans et leurs
commerces, tuant selon les autorités chinoises, 18 civils et un
policier. Mais au contraire de Lhassa où les violences s'étaient
prolongées, le calme est vite revenu à Urumqi, où la présence des
forces de l'ordre était très visible.

Des centaines d'arrestations

A Urumqi, des centaines de personnes ont été arrêtées, dont
"plus de dix personnalités-clef qui ont attisé les troubles
dimanche", a aussi affirmé Chine Nouvelle citant le département de
la Sécurité publique. "La police est toujours à la recherche de 90
autres personnes-clefs", a ajouté l'agence.



Urumqi est devenue une ville morte: la plupart des commerces sont
fermés, alors que des forces de l'ordre munies de boucliers et de
matraques stationnent à chaque coin de rue. Internet a aussi été
interrompu, de même que les communications mobiles également, ont
indiqué des résidents.



Les médias officiels ont largement repris une déclaration du
gouvernement régional accusant le Congrès mondial ouïghour, dirigé
par la dissidente en exil Rebiya Kadeer, d'avoir fomenté les
violences. L'organisation ouïghoure aurait incité à la violence,
par des appels sur l'internet, ses sympathisants pour qu'ils se
montrent "plus braves" et "fassent quelque chose de gros".



afp/ant

Publié Modifié

Une région minée par les tensions ethniques

Le Xinjiang, vaste région montagneuse et désertique du nord-ouest de la Chine, compte plus de 8 millions de Ouïghours, des musulmans turcophones. Ce territoire aujourd'hui autonome s'est rebellé à plusieurs reprises contre le pouvoir chinois, notamment en 1933 et 1944.

A plus de 3000 km au nord-ouest de Pékin, sur l'ancienne Route de la Soie, cette région de 1,66 million de kilomètres carrés couvre un sixième du territoire chinois.

Le Xinjiang compte près de 20 millions d'habitants, appartenant à 47 ethnies, parmi lesquels les Hans sont passés de 6% à 40% de la population avec la politique de développement et de sinisation de Pékin depuis les années 90.

La région est frontalière notamment de l'Afghanistan et des ex-républiques musulmanes de l'URSS (Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizstan). Aride et pauvre, la région possède aussi la principale réserve d'hydrocarbures du pays.

Rattachée à l'empire chinois en 1884, cette région aujourd'hui autonome, ayant pour capitale Urumqi, a manifesté des velléités d'indépendance à l'égard de Pékin avant même la création de la République populaire de Chine en 1949. Une partie de la province a connu une brève période d'autonomie, sous le nom de Turkestan oriental, entre 1930 et 1949.

Les troubles se sont intensifiés en 1990, après le retrait des troupes soviétiques d'Afghanistan et l'indépendance des trois républiques musulmanes de l'ex-URSS. En avril 1990, des émeutes près de Kashgar avaient fait 22 morts de source officielle, au moins 60 de source occidentale.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, Pékin a renforcé la répression au nom de la lutte antiterroriste. Grâce au soutien américain, la Chine a obtenu qu'un mouvement ouïghour, le Mouvement islamique du Turkestan oriental, soit placé par l'ONU sur la liste des organisations terroristes liées à Al-Qaïda.

Un attentat contre un poste de police de Kashgar, dans l'extrême ouest du Xinjiang, avait fait 17 morts et 15 blessés le 4 août, 4 jours avant l'ouverture des Jeux olympiques.