Conséquence de la résolution 1244 de l'ONU votée deux jours plus tôt qui plaçait le Kosovo sous protection internationale, ce déploiement, dont le 20e anniversaire est célébré mercredi, marquait la fin de l'ultime guerre intercommunautaire dans l'ex-Yougoslavie.
Opposant depuis 1998 les forces serbes et une guérilla indépendantiste kosovare albanaise, ce conflit avait coûté la vie à plus de 13'000 personnes – dont plus de 11'000 Albanais, 2000 Serbes et quelques centaines de Roms – quand plus de 800'000 Kosovars albanais s'entassaient dans des camps de réfugiés.
Trois mois de bombardements occidentaux
Moins de quatre ans après la fin des guerres de Bosnie et de Croatie, les atrocités contre les civils et l'épuration ethnique ont entraîné une campagne de bombardement occidentale, menée durant trois mois sans mandat de l'ONU.
Interrogé dans La Matinale de la RTS, Ueli Leuenberger, créateur et ancien directeur de l'Université populaire albanaise de Genève, rappelle que "pendant plus de vingt ans, les Kosovars ont lutté pacifiquement pour avoir les mêmes droits que les six autres républiques de la Yougoslavie. Mais c'est le contraire qui est arrivé: on leur a enlevé leur autonomie à la fin des années 1980, avec la prise de pouvoir de Slobodan Milosevic. Leur lutte pacifique n'a absolument pas été honorée. La communauté internationale fermait les yeux, laissait faire les massacres en Bosnie et ceux qui se sont passés par la suite au Kosovo. Au moment de l'intervention internationale, il y avait des centaines de milliers de réfugiés qui étaient chassés du Kosovo. Un génocide s'annonçait: c'était probable, possible, à ce moment-là".
L'ancien président des Verts suisses n'avait à l'époque pas dénoncé l'intervention de l'OTAN, recevant la critique de ses amis et de son parti: "Il était injustifié d'opérer des bombardements de cibles civiles en Serbie par l'OTAN. L'OTAN et la communauté internationale, pendant vingt ans, n'ont absolument rien fait pour soutenir la lutte pacifique".
L'homme fort de Belgrade, Slobodan Milosevic, avait finalement jeté l'éponge et ordonné le retrait de ses troupes de cette province méridionale majoritairement peuplée d'Albanais, mais que les Serbes considèrent comme leur berceau historique et religieux.
Depuis, autant la défiance serbe est forte, autant la popularité des Occidentaux et notamment des Américains est immense parmi les Kosovars albanais. Ils devraient encore exprimer cette gratitude mercredi à l'ancien président américain Bill Clinton et sa secrétaire d'Etat Madeleine Albright, annoncés aux cérémonies à Pristina.
Se réfugier en Serbie
Pour les Serbes du Kosovo, installés là depuis des siècles, ce 12 juin est un jour d'amertume et de peur, mais aussi souvent d'exil. Selon les chiffres de Belgrade, 200'000 Serbes devaient choisir de quitter le Kosovo pour se réfugier en Serbie: "Je pleurais... Je regardais notre armée se retirer et des étrangers arriver", se rappelle Dobrosav Jakovljevic, un retraité de 73 ans. A ses yeux, "c'est Milosevic qu'il faut blâmer pour tout ça", mais "les Albanais ont tout ce qu'ils voulaient quand nous avons tout perdu".
Selon les estimations de Belgrade, quelque 120'000 Serbes vivent toujours au Kosovo, un tiers dans le nord et les autres dans une dizaine d'enclaves. Les relations restent exécrables entre Pristina et Belgrade qui ne reconnaît toujours pas l'indépendance proclamée en 2008 par son ex-province.
La KFOR toujours présente
Aux yeux de Djordje Jovanovic, un professeur de 46 ans de Mitrovica, la présence des quelque 4000 soldats de la KFOR – la Force pour le Kosovo – toujours présents, reste indispensable: "S'ils n'étaient pas là, il y aurait une autre guerre ici."
Ueli Leuenberger se demande ce qu'il faut pour que la situation se calme: "Il faut une perspective, principalement pour la jeunesse – autant au Kosovo qu'en Serbie et ailleurs – économique et sociale. Le nationalisme de tous les côtés est souvent un remède utilisé contre la révolte de ceux qui demandent la justice sociale, un avenir. Plus on attend d'intégrer mieux les différents pays de l'ex-Yougoslavie restants qui ne sont pas dans l'Union européenne, plus les risques de conflit sont importants", analyse-t-il.
L'ancien président des Verts suisses estime par ailleurs que les dirigeants actuels du Kosovo sont "profondément plongés dans la corruption". Pour lui, cela représente "un vrai danger là-bas": "Je vais vous donner un scoop: j'ai refusé de recevoir une distinction de Monsieur Thaçi. Je pense qu'il devrait quitter la tête du Kosovo et faire la place à une nouvelle génération qui n'est pas corrompue et qui a envie de développer la démocratie". L'ancien conseiller national genevois dit "être en désaccord profond avec toute une série d'actions du gouvernement actuellement en place".
>> Lire : Paris et Berlin appellent la Serbie et le Kosovo à renouer le dialogue
Stéphanie Jaquet et l'afp
L'ancien président américain Bill Clinton, arrivé mardi à Pristina, a été décoré par le président Hashim Thaçi pour son rôle dans le conflit (1998-99) qui s'est soldé par le retrait des forces serbes et l'accession du Kosovo à l'indépendance.
Interrrogé dans La Matinale de la RTS, Ueli Leuenbergerr, créateur et ancien directeur de l'Université populaire albanaise de Genève, estime que les dirigeants actuels du Kosovo sont "profondément plongés dans la corruption". Pour lui, cela représente "un vrai danger là-bas": "Je vais vous donner un scoop: j'ai refusé de recevoir une distinction de Monsieur Thaçi. Je pense qu'il devrait quitter la tête du Kosovo et faire la place à une nouvelle génération qui n'est pas corrompue et qui a envie de développer la démocratie". L'ancien conseiller national genevois dit "être en désaccord profond avec toute une série d'actions du gouvernement actuellement en place".
Bil Clinton jouit au Kosovo d'une popularité hors norme et est considéré par les Kosovars albanais comme un "sauveur", principal artisan d'une campagne de l'Otan qui s'est soldée par le retrait des forces serbes du Kosovo.
Une statue à son effigie, haute de trois mètres – qu'il a inaugurée en personne en novembre 2009 – se dresse sur une place de Pristina, ville qui dispose déjà d'un boulevard Bill Clinton.