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Russie: obsèques de la militante assassinée

Une centaine de personnes ont assisté, en larmes, à la cérémonie d'adieux.
Une centaine de personnes ont assisté, en larmes, à la cérémonie d'adieux.
Proches et simples citoyens ont rendu un dernier hommage jeudi à Grozny à la militante des droits de l'homme Natalia Estemirova, assassinée la veille, tandis que l'ONG Memorial accusait l'homme fort de Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, d'être responsable de sa mort.

Une centaine de personnes, en larmes, se sont rassemblées en
début d'après-midi au Square des journalistes, où la dépouille
avait été transportée, pour une cérémonie d'adieux, ont rapporté
les agences Itar-Tass et Ria Novosti. Une photo de Natalia
Estemirova, 50 ans, avait été accrochée près d'un monument, ainsi
qu'une affiche sur laquelle était écrit en grosses lettres noires:
"A qui le tour?".

Sa dépouille avait été ramenée
un peu plus tôt de la morgue de Nazran, en Ingouchie voisine, autre
république du Caucase russe en proie à une rébellion armée. Son
corps y avait été découvert mercredi en fin d'après-midi, avec des
traces de blessures par balles à la tête et la poitrine, après son
enlèvement quelques heures plus tôt à Grozny, la capitale
tchétchène.

Collaboration avec Anna Politkovskaïa

Après la cérémonie d'adieux, le cortège funèbre s'est rendu à la
grande mosquée centrale de Grozny. Il devait ensuite rejoindre le
village familial, près de Goudermès, où l'inhumation aura lieu
avant la tombée de la nuit. Natalia Estemirova avait beaucoup
travaillé avec la journaliste Anna Politkovskaïa, qui dénonçait
elle aussi les exactions commises en Tchéthénie et a été assassinée
en octobre 2006 à Moscou.



La plupart des meurtres de journalistes et de défenseurs des
droits de l'homme n'ont jamais été élucidés en Russie, sans parler
des enlèvements et des meurtres qu'ils dénonçaient. Les enquêteurs
russes étudient quatre pistes dans l'assassinat de Natalia
Estemirova, de ses activités professionnelles à sa vie privée, a
annoncé le vice-ministre russe de l'Intérieur, Arkadi Edelev, cité
par l'agence Interfax.



"La piste numéro un est celle liée à son activité
professionnelle". "La deuxième est celle d'une provocation par des
chefs de bandes armées destinée à discréditer" les dirigeants
tchétchènes et ingouches, a-t-il dit. "La piste numéro trois, c'est
le vol. Cette femme recevait des prêts de l'étranger, des devises
pour accomplir certaines de ses missions", a-t-il assuré,
n'excluant pas non plus "la piste familiale", "des relations
familiales malheureuses".

Président de Tchétchénie accusé

Pour l'organisation non-gouvernementale Memorial, le coupable ne
fait pas de doute : "Nous le connaissons tous -- son nom est Ramzan
Kadyrov", le président pro-russe de Tchétchénie, a déclaré Oleg
Orlov, responsable de Memorial. Ramzam Kadyrov "menaçait Natalia,
l'insultait et la considérait comme une ennemie personnelle",
a-t-il dit. "Nous ne savons pas s'il a lui-même donné l'ordre ou si
ses collaborateurs l'ont fait pour faire plaisir à leur chef", a
ajouté Oleg Orlov.



afp/cht

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Rappel des faits

Natalia Estemirova, 50 ans, travaillait pour l'organisation non-gouvernementale russe Memorial. Elle a été enlevée mercredi à Grozny, capitale de la Tchétchénie, et a été retrouvée tuée par balles quelques heures plus tard dans la république d'Ingouchie voisine.

A la différence de son prédécesseur Vladimir Poutine, qui avait réagi tardivement et avec cynisme à l'assassinat d'Anna Politkovskaïa, Dmitri Medvedev a immédiatement fait part de son "indignation" mercredi. Ce meurtre ressemble fort à un désaveu de sa politique en Tchétchénie, où il a proclamé la fin de l'opération "antiterroriste" en avril après des années de conflit entre indépendantistes et forces pro-russes.

L'assassinat de Natalia Estemirova a également provoqué l'émoi de la communauté internationale ainsi qu'une vague d'indignation en Occident, qui a réclamé que toute la lumière soit faite et que les coupables soient punis, alors qu'en Russie, elle était discrètement évoquée dans les journaux télévisés russes.

A Washington, le département d'Etat a exhorté les autorités russes à "faire traduire les coupables en justice". La présidence suédoise de l'UE a demandé de "faire ce qu'il faut" pour trouver le responsable.

Hommage de Medvedev

Le président russe Dmitri Medvedev a rendu hommage jeudi à la militante russe pour les droits de l'homme Natalia Estemirova, assassinée la veille. Il a estimé qu'elle «faisait des choses utiles» en disant «la vérité» et que son crime ne devait «pas rester impuni».

«Il est évident que son assassinat est lié à son activité professionnelle qui était utile pour tout Etat normal», a déclaré Dmitri Medvedev au cours d'une conférence de presse à Munich avec la chancelière allemande Angela Merkel. «Elle disait la vérité ouvertement, parfois avec sévérité en parlant des autorités. Mais c'est pour cela qu'on apprécie les défenseurs des droits de l'homme», a-t-il aussi poursuivi. «Le crime ne doit pas rester impuni», a-t-il dit. «Je suis sûr que les meurtriers seront retrouvés», a-t-il ajouté.

«Je crois que du côté russe tout doit être fait pour arrêter les meurtriers», a souligné de son côté la chancelière, évoquant «le meurtre d'une femme courageuse». «J'ai exprimé ma consternation» au président Medvedev, a encore ajouté Angela Merkel à l'issue des 11e consultations germano-russes.