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La reconstruction du patrimoine, une renaissance de l'identité?

Un combattant des Forces démocratiques syriennes dans les ruines des moulins de Manbij en Syrie. [Reuters - Rodi Said]
La fondation qui soutient des projets de réhabilitation du patrimoine culturel détruit par les djihadistes / Tout un monde / 5 min. / le 21 juin 2019
Au cours de l'été 2014, le groupe Etat islamique prend le contrôle de Mossoul, en Irak. Dans les mois qui suivent, les djihadistes s’en prennent au patrimoine culturel irakien et syrien. Un patrimoine que des organisations tentent désormais de réhabiliter. C'est l'objectif d'Aliph, fondation basée en Suisse.

Les images sidérantes sur lesquelles on voit des djihadistes s'acharner sur des statues du Musée de Mossoul, à coups de burins et de marteau-piqueurs, ont marqué les consciences.

Dans l'abondante production d'images de propagande du califat autoproclamé, certaines d'entre elles étaient certes plus choquantes: bûchers, décapitation ou encore défenestration ont en effet fait partie des armes de terreur utilisées par Daesh.

Mais la destruction volontaire du patrimoine a aussi bouleversé les opinions publiques. Et désormais, la question patrimoniale fait partie de la réflexion des gouvernements et des institutions sur l'avant et l'après-guerre.

La paix à travers la reconstruction

C'est le coeur de mission de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine en zone de conflit (Aliph). Pour Bariza Khiari, représentante de la France au Conseil de fondation d'Aliph, il ne s'agit pas uniquement de reconstruire des bâtiments, mais aussi la paix.

"Moi je pense fondamentalement que le patrimoine est lié à l'identité des gens. Garder la mémoire de ce patrimoine, en le réhabilitant avec les populations locales, c'est une manière de se réapproprier les identités multiples qui les constituent (...) C'est donc une manière de construire la paix", explique-t-elle au micro de la RTS.

La renaissance par le patrimoine

Exemple concret de projet soutenu par Aliph: la rénovation du monastère de Mar Behnam, près de Mossoul, un lieu saccagé par les djihadistes.

Si le site est cher aux chrétiens d'Irak, il fait également office de lieu de pèlerinage pour les Yézidis et de nombreux musulmans de la région. Le restaurer, c'est donc envoyer un message, explique Valéry Freland, directeur exécutif de la fondation.

"Symboliquement et politiquement, le patrimoine est très important. Ce sont des symboles et des signaux politiques compris par les populations locales et qui parlent à chacun (...) On l'a vu encore dans le cas de Notre-Dame en France, le patrimoine touche le coeur des hommes (...) Quand on voit son patrimoine réhabilité, on a le sentiment que tout peut renaître."

Les vieilles pierres, une priorité ?

La question qui revient toutefois très souvent est celle de savoir si le patrimoine doit vraiment être une priorité, à l'heure où des villes entières ont été ravagées et où les conditions de vie des survivants sont souvent des plus délétères.

Les habitants sont paradoxalement souvent les premiers à défendre cette politique, qui prend aussi en compte la reconstruction et la réhabilitation de lieux symboliques. En Irak ou ailleurs, il s'agit souvent pour eux de remettre sur pied une histoire commune, des vécus et des traditions qui les unissent.

Reportage radio: Alexandre Habay

Version web: Tristan Hertig

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