Téhéran dit produire de l'uranium enrichi à au moins 4,5% et met en garde les Européens contre toute réaction susceptible d'envenimer la situation.
Behrouz Kamalvandi, le porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA) a assuré que les Européens devaient rapidement prendre des mesures en faveur de l'Iran car, faute de mesures en ce sens, la République islamique continuera de réduire ses engagements découlant de l'accord de 2015, voire de dépasser un seuil d'enrichissement de l'ordre de 20%.
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la République islamique pourrait aussi augmenter le nombre de centrifugeuses qu'elle utilise pour enrichir l'uranium, et relancer les centrifugeuses IR-2 M qui avaient été démantelées, a souligné Behrouz Kamalvandi.
Réactions occidentales
L'Union européenne a appelé l'Iran à "cesser et à revenir sur ses activités qui sont contraires aux engagements pris dans le cadre" de l'accord, soulignant qu'elle était "très préoccupée".
Le président américain Donald Trump s'est entretenu au téléphone avec son homologue français Emmanuel Macron, qui dépêche à Téhéran son conseiller diplomatique pour œuvrer à une "désescalade".
Les deux hommes "ont discuté des efforts en cours pour s'assurer que l'Iran ne se dote pas de l'arme nucléaire et
pour mettre fin au comportement déstabilisateur de l'Iran au Moyen-Orient", selon la Maison Blanche.
"Activités nucléaires pacifiques"
D'après Ali Akbar Velayati, conseiller du guide suprême iranien, les besoins du pays pour ses "activités (nucléaires) pacifiques", à savoir l'alimentation en combustible de sa centrale électrique atomique, correspondent à de l'uranium enrichi à 5%.
Ce niveau reste loin des 90% nécessaires pour envisager la fabrication d'une bombe atomique. Mais la décision iranienne menace encore davantage l'accord de Vienne, fragilisé depuis que Washington s'en est retiré en mai 2018 avant de rétablir des sanctions économiques contre Téhéran.
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En riposte au retrait américain, l'Iran a annoncé le 8 mai qu'il commençait à s'affranchir de certains engagements afin de forcer les parties restantes à l'accord – Allemagne, Chine, France, Royaume-Uni et Russie – à l'aider à contourner les sanctions américaines.
Celles-ci privent l'Iran des bénéfices économiques qu'il attendait du pacte, par lequel il a accepté de réduire drastiquement ses activités nucléaires en échange de la levée d'une partie des sanctions internationales qui l'asphyxiaient.
Mise en garde iranienne
Lundi, le porte-parole des Affaires étrangères Abbas Moussavi a adressé une mise en garde à Paris, Londres et Berlin.
Si ces trois capitales "devaient se comporter de manière (...) inattendue, alors nous sauterions toutes les étapes suivantes (du plan de réduction des engagements annoncé en mai) et nous mettrions en œuvre la dernière", a-t-il dit, sans préciser la nature de cette ultime étape.
Téhéran avait donné dimanche 60 jours aux partenaires de l'accord pour répondre à ses demandes sous peine de voir l'Iran s'affranchir d'autres engagements.
Au bout de ces 60 jours, "toutes les options" seront sur la table, a dit Abbas Moussavi, y compris une sortie de l'accord et du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP).
sjaq et les agences
Qu'est-ce que ça change de passer d'un uranium de 3,67 à 4,5%?
Concrètement, pas grand-chose, selon Grégoire Mallard, professeur à l'Institut de Hautes études et du développement de Genève: "Avec un taux d'uranium enrichi à 4,5%, les Iraniens ne peuvent pas faire beaucoup plus qu'ils ne faisaient avec de l'uranium enrichi à 3,67 maximum. Il y a des applications civiles: on peut s'en servir, par exemple, pour alimenter en combustible un réacteur de recherche ou des réacteurs qui vont principalement créer des isotopes médicaux. Mais il n'y a aucune application militaire".
Cependant, les Occidentaux se disent inquiets, parce qu'ils redoutent une accélération: plus le taux d'enrichissement est grand, plus son augmentation est rapide. Et cela ne demande ni matière, ni technologie supplémentaire: il suffit de refaire passer l'uranium déjà enrichi dans la même cascade de centrifuge.
On estime autour de 80%, le taux d'enrichissement nécessaire à la fabrication d'une bombe nucléaire. Mais cela ne fait pas tout: "C'est comme si, tout d'un coup, on vous disait que l'Iran a développé un stock d'essence... mais il faut quand même le moteur pour faire tourner la voiture": pour l'heure, de la politique fiction selon Grégoire Mallard.
Caroline Stevan/sjaq
"L'équipe B"
Le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a de nouveau accusé Washington lundi de "terrorisme économique", prévenant que les sanctions ne parviendraient pas à contraindre l'Iran à négocier un nouvel accord.
"'L'équipe B' a vendu à @realDonaldTrump la folle (idée) que tuer le JCPOA (l'accord sur le nucléaire) en usant de terrorisme économique ouvrirait la voie à un meilleur accord", a-t-il affirmé sur Twitter.
Mohammad Javad Zarif appelle "l'équipe B" celle formée selon lui par le conseiller à la sécurité nationale américaine John Bolton, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, tous partisans d'une ligne dure contre l'Iran.
Mais "comme il est de plus en plus clair qu'il n'y aura pas de meilleur accord, ils sont bizarrement en train d'exhorter l'Iran à une totale conformité. Il y a une issue, mais pas avec 'l'équipe B' aux commandes", a-t-il ajouté.
En fin d'après-midi, un porte-parole de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a confirmé dans un communiqué que les inspecteurs de l'Agence avaient "vérifié le 8 juillet que l'Iran enrichit de l'uranium au-delà de 3,67%".