En octobre dernier, le Canada est devenu le deuxième pays au monde et le premier du G20 à légaliser le cannabis récréatif. Le but de cette dépénalisation était clairement annoncé par le premier ministre Justin Trudeau: mettre fin au marché noir.
Après 10 mois, les premiers chiffres montrent que cet objectif n'est pas atteint. Et le nombre de consommateurs serait en augmentation, avec 646'000 consommateurs de cannabis en plus à la fin du premier trimestre 2019.
Pas de problèmes sociaux majeurs
Pour le journaliste canadien Tristan Péloquin, auteur du "Petit livre vert du cannabis", il est cependant trop tôt pour tirer un bilan négatif. "Je ne dirais pas que c'est pas un échec. C'est un processus qui va prendre beaucoup de temps", a-t-il réagi dans l'émission Forum. Il explique que la mise à disposition de grandes quantités de cannabis légal n'a pas pu se faire assez vite et a entraîné une pénurie peu propice à assécher le marché noir.
Pour lui, malgré la hausse du nombre de consommateurs déclarés, il n'y a pas lieu de s'inquiéter: "Il faut être prudent par rapport aux chiffres de hausse annoncés. Ce sont des autodéclarations sur un site internet et pas véritablement une enquête. Il est clair que la légalisation a augmenté d'une certaine façon la consommation, mais de manière assez légère. On ne voit pas de problèmes sociaux majeurs apparaître", poursuit Tristan Péloquin, qui se base notamment sur les rapports des directeurs de la santé publique.
Effet nouveauté
"Il y a l'effet nouveauté. Je pense que beaucoup de consommateurs ont voulu participer à ce moment historique", estime pour sa part Barbara Broers, médecin spécialiste des addictions aux HUG et vice-présidente de la commission fédérale qui a recommandé aux Conseil fédéral de légaliser le cannabis en avril dernier. Pour elle, il faudrait obtenir des données supplémentaires avant de s'inquiéter, car les nouveaux fumeurs annoncés pourraient notamment être des gens qui, à l'époque de l'interdiction, n'osaient pas avouer leur consommation.
Le Canada pourrait-il être un exemple à suivre pour la Suisse? "A certains égards, oui, pour la production par exemple. Ici, les fabricants sont soumis à un régime de contrôle comparable à l'industrie pharmaceutique. Les consommateurs peuvent connaître la composition et la puissance de ce qu'ils achètent", avance Tristan Péloquin. Un modèle qui séduit Barbara Broers, notamment parce qu'il est axé sur la prévention, la transparence et parce que le cannabis est vendu dans des magasins bien spécifiques.
Elisabeth Logean, Tania Sazpinar, Davy Bailly-Basin / vic