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Braconnage massif de totoaba, "cocaïne des mers" prisée en Chine

Braconnage massif du totoaba au Mexique pour sa vessie natatoire très prisée en Chine. [AFP - Sea Shepherd Conservation Society]
Braconnage massif du totoaba au Mexique pour sa vessie natatoire très prisée en Chine / Tout un monde / 6 min. / le 22 juillet 2019
Grand poisson argenté du golfe de Californie, le totoaba est victime d'un braconnage massif en raison de sa vessie natatoire, très prisée en Chine. Désormais en voie d'extinction, des sommes colossales sont offertes pour l'acquérir, d'où son surnom: la cocaïne des mers.
Les vessies natatoires de totoaba sont très prisées en Chine. [AFP - Joanna Chiu]
Les vessies natatoires de totoaba sont très prisées en Chine. [AFP - Joanna Chiu]

Le narcotrafic mexicain s’est diversifié. Il fait désormais aussi dans le trafic de poisson séché, et plus particulièrement dans la contrebande de vessie natatoire déshydratée, mettant en péril la survie d'une espèce d'ores et déjà menacée d'extinction.

"La vessie natatoire est la petite poche gonflée d'air qui permet aux poissons de flotter", explique Philippe Cury, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD).

Les braconniers visent un poisson en particulier: le totoaba, dont le petit organe intéresse par-dessus tout le marché chinois et hongkongais. Dans l'univers de la médecine traditionnelle chinoise, on lui prête des vertus esthétiques ou encore médicales.

De 20'000 à 80'000 dollars le kilo

Après avoir ôté la vessie du poisson, les pêcheurs clandestins rejettent son cadavre à la mer ou le laissent pourrir sur la plage. La vessie est expédiée vers des villes frontalières avec les Etats-Unis où elle est disséquée et empaquetée pour être envoyée vers la Chine et Hong Kong. Pour les autorités mexicaines, "il est hautement probable" que les braconniers soient financés par les cartels de narcotrafiquants.

"La vessie natatoire est composée d'une protéine. Mais c'est comme la corne de rhinocéros, il n'y a absolument aucune valeur thérapeutique. C'est une bêtise d'exploiter cet organe pour en faire un soi-disant médicament", condamne Philippe Cury.

Des cadavres de totoabas retrouvés par l'ONG américaine Sea Shepherd Conservation Society. [AFP - HO]
Des cadavres de totoabas retrouvés par l'ONG américaine Sea Shepherd Conservation Society. [AFP - HO]

Selon l'expert en biologie marine, les conséquences sont désastreuses pour le poisson du Pacifique. "Plus l'espèce s'effondre, plus elle devient rare et plus les prix augmentent. Ça atteint des prix astronomiques, de 20'000 à 80'000 dollars le kilos de poids sec. Ce sont des prix identiques à ceux de la cocaïne, c'est une marchandise illégale", lance-t-il.

"Des fantasmes incroyables"

Malgré lui, le totoaba est la cible de ce business mafieux. Rien ne le distingue des autres poissons, mis à part sa rareté et son poids. "Je pense qu'en réalité n'importe quelle vessie natatoire ferait l'affaire pour être consommée en Chine. On ne sait pas pourquoi le totoaba est particulièrement visé. II y a des marchés qui s'organisent, des fantasmes incroyables. Ce sont des traditions qui perdurent et entraînent ces espèces terrestres et marines à l'extinction absolue", déplore Philippe Cury.

La CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction), émanation onusienne qui tente de juguler le trafic mondial d’espèces protégées, s’est rendue il y a un mois au Mexique, en la personne de sa secrétaire générale, pour se saisir du problème en collaboration avec les autorités. Mais l'avenir du totoaba semble de toute manière compromis.

Benjamin Luis/gma

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Victime collatérale

Cétacé vivant lui aussi dans les eaux du golfe de Californie, le marsouin du pacifique, lui aussi en voie d'extinction, est directement impacté par le braconnage massif du totoaba. En effet, les pêcheurs illégaux utilisent de grands filets pour la capture, dans lesquels se retrouvent parfois emprisonnés ces mammifères marins.

"C'est une espèce endémique, sa localisation est vraiment très réduite à cette baie. Elle est en danger extrême. Il doit y avoir une trentaine d'individus dans les océans", alarme Philippe Cury.