Les habitants des îles du Pacifique, au raz de l'eau, ont peut-être un autre avenir que celui de réfugiés climatiques. Des chercheurs néo-zélandais ont créé une maquette d’une île de l'archipel des Tuvalu, puis ils ont observé comment elle réagirait à la montée des eaux et aux tempêtes causées par le changement climatique. Cela nous permet de supposer l'évolution des atolls, ces types d’îles coraliennes de basse altitude dans les océans tropicaux, particulièrement vulnérables à la montée des eaux.
"Traditionnellement, on pense que les îles atoll, en cas d’augmentation du niveau des eaux, vont rester là et être inondées. On envisage le modèle de la baignoire: ouvrir le robinet et l'île va être submergée. Mais ce qu'on a découvert, c'est que lorsque l'on crée un modèle réduit d’une de ces îles, dans un bassin à simulation de vagues très sophistiqué, et que nous augmentons le niveau de la mer, nous sommes capables d’observer comment l’île change progressivement de forme, et comment certaines parties de l’île gagnent en altitude avec la hausse du niveau de la mer", explique Murray Ford, professeur à l'Université d'Auckland, à l'un des auteurs du rapport publié dans une revue de la Geological Society of America.
Dépôts de sable
Mais comment, concrètement, les îles peuvent-elles gagner en altitude? "Elles sont entièrement composées de sable et de graviers provenant des récifs coraliens autour d’elles (...). Et ils peuvent être emportés sur la surface de l’île par des grandes vagues. C'est comme si l'on ôtait le sable des plages et des récifs pour le rejeter ailleurs sur la surface de l’île. Et ces dépôts de sable rehaussent l'île au fil du temps", explique Murray Ford.
Dans le cas de la maquette, l'île est devenue plus haute, mais aussi plus étroite. Mais dans la réalité, cela sera certainement différent, note le scientifique. Car les récifs coraliens produisent beaucoup de sédiments avec le temps, et dans certains cas, cela peut contribuer à l’expansion des îles.
Atténuer l'impact du changement climatique, un enjeu crucial
L’expérience de la maquette ne permet en revanche pas de se faire une idée fiable de la rapidité avec laquelle ces îles changent de forme. Mais des images satellites ou photos d’îles existantes montrent qu'à la suite de fortes tempêtes, de nouvelles îles peuvent se former, ou voir leurs contours se modifier en quelques années ou quelques décennies.
Mais si le niveau de la mer augmentait de manière beaucoup plus rapide que prévu, il n’est pas certain que les îles aient la même capacité d’adaptation. "Les projections les plus élevées parlent d’une hausse de deux mètres d’ici la fin du siècle. Ce sera beaucoup plus difficile pour ces îles de réagir à ces niveaux qu'aux projections plus basses. Atténuer les pires conséquences du changement climatique est donc crucial pour la capacité de survie à long terme de ces îles", souligne Murray Ford.
Isabelle Cornaz/jvia
Des changements également politiques
Les chercheurs qui ont signé cette étude estiment qu'il est urgent que les autorités des régions concernées incorporent la dynamique morphologique insulaire dans les projections futures liées au réchauffement climatique. Les habitants des petits atolls du Pacifique ne sont peut-être pas voués à devenir des réfugiés climatiques, en cas de montée des eaux. Mais la hausse du niveau de la mer n’est pas le seul problème causé par le dérèglement climatique dans la région. Il y en a d’autres, auxquels les autorités locales vont devoir faire face.
"Certains atolls, plus peuplés et urbanisés, comme les Maldives, créent des digues pour se protéger face à la montée des eaux, mais alors le schéma d’adaptation naturel n'est plus possible", note Murray Ford, professeur à l'université d'Auckland.