L'épidémie d'Ebola qui sévit depuis un an dans la région du Nord-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), aura bientôt causé 2000 décès. Elle constitue d'ores et déjà la deuxième plus grave épidémie liée à cette fièvre hémorragique, après celle ayant causé la mort de 11'000 personnes entre 2013 et 2015 en Afrique de l'Ouest.
La semaine dernière, une deuxième personne est morte du virus à Goma, une ville de plus d'un million d'habitants à la frontière avec le Rwanda. L'OMS a décrété une urgence sanitaire mondiale à la mi-juillet pour endiguer cette maladie au taux de mortalité effrayant, puisqu'elle tue près de deux tiers des personnes contaminées.
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Structure sanitaire détruite
"La maladie s'est répandue en plusieurs vagues. La première semblait contrôlée, mais on s'aperçoit maintenant qu'elle s'étend, en réalité, dans des villes très distantes du foyer initial", poursuit le spécialiste. "Les virus ne respectent pas les frontières. Aux premiers stades de la maladie, avec quelques symptômes limités, vous pouvez voyager et êtes potentiellement infectieux".
Or, dans le Nord-Kivu, les mouvements de population, notamment à travers les frontières, sont énormes. Des millions de réfugiés rwandais se trouvent dans cette région instable socialement et sous la coupe de groupes armés. "On fait face à une structure sanitaire complètement détruite", témoigne Laurent Kaiser, qui fustige au passage les attaques de plus en plus nombreuses sur les hôpitaux, non seulement en RDC, mais aussi ailleurs dans le monde, comme en Syrie ou au Yemen.
Pour détecter un cas d'Ebola, il faut probablement dépister des centaines de cas de personnes fiévreuses. On cherche une aiguille dans une botte de foin
Pour couronner le tout, la maladie ressemble initialement à la malaria ou à des infections bactériennes qu'on rencontre sur place. "Pour détecter un cas d'Ebola, il faut probablement dépister des centaines de cas de personnes fiévreuses. On cherche une aiguille dans une botte de foin", illustre le professeur.
S'il existe bien un vaccin, il ne résout pas tout. "Il faudrait le distribuer aux huit millions de personnes qui habitent la zone. Or, il n'y a actuellement que 300'000 à 500'000 doses de ce vaccin reconnu comme efficace. On ne peut donc vacciner que les contacts autour d'un cas déclaré. On n'a pas les moyens de faire autrement", constate le patron des maladies infectieuses aux HUG. Autre problème majeur, il est difficile à acheminer sur place, car une chaîne du froid à -80° doit être respectée, dans des régions où il n'y a parfois même pas d'hôpitaux.
Le vaccin est difficile à acheminer, car une chaîne du froid à -80° doit être respectée, dans des régions où il n'y a parfois même pas d'hôpitaux
Un nouveau vaccin est cependant à l'étude et pourrait remédier aux contraintes inhérentes au premier. "Idéalement, il pourrait être distribué très largement autour de la zone d'épidémie", précise le professeur, qui ne pense pas que cette multiplication des moyens de prévention soit liée à une guerre économique que se livreraient les laboratoires pharmaceutiques. "Le vaccin contre Ebola reste une niche. Ce n'est pas une maladie qui permet aux pharmas de se faire des millions, comme c'est le cas avec d'autres types de médicaments. Il est bon que plusieurs développements aient lieu en parallèle", estime Laurent Kaiser.
Le danger des grandes villes
Pour lui, il faudra un, voire deux ans, pour venir à bout de cette nouvelle épidémie. "C'est du moins la vision des autorités sanitaires. Le grand danger, c'est une explosion dans un centre urbain, comme la ville de Goma, ou comme Kinshasa et ses plus de 10 millions d'habitants".
Propos recueillis par Agathe Birden
Adaptation web: Vincent Cherpillod