"Nous allons rappeler notre ambassadeur à Delhi et renvoyer le leur", a affirmé le ministre des Affaires étrangères Shah Mehmood Qureshi à la télévision pakistanaise ARY news.
Le gouvernement a également annoncé dans un communiqué qu'il abaissait le niveau des relations diplomatiques avec l'Inde et suspendait le commerce bilatéral.
Ces décisions ont été annoncées après une nouvelle réunion du comité de sécurité nationale, à laquelle ont participé les principaux ministres et généraux pakistanais.
Pari à haut risque du gouvernement indien
Le Cachemire, au nord de l'Inde, a perdu lundi son autonomie constitutionnelle suite à un décret du gouvernement nationaliste hindou. Mardi soir, la chambre basse du parlement indien a approuvé cette décision.
>> Lire aussi : New Delhi révoque l'autonomie constitutionnelle du Cachemire indien
La région séparatiste à majorité musulmane, très largement autonome depuis 72 ans, sera dorénavant sous contrôle total de New Delhi. Une opportunité pour apaiser et développer économiquement la région, argumentent certains députés. Une trahison, du point de vue des Cachemiris.
Car cette réforme met fin à 30 ans de revendications pour obtenir d’avantage d’autonomie, voire l’indépendance. Insurrection qui a coûté la vie à quelque 40'000 civils et militaires.
Le Cachemire sous couvre-feu
Pour éviter tout soulèvement, un couvre-feu militaire strict immobilise la région, qui se retrouve coupée du monde depuis lundi matin. Presque tous les responsables politiques de partis cachemiris, aussi bien séparatistes que pro-Inde, sont en détention, selon un responsable sécuritaire cité par l'AFP.
Rassemblements interdits, lignes téléphoniques coupées, journalistes figés dans leurs déplacements. Autant de restrictions qui rendent impossible une vision d'ensemble de la situation.
Dans la ville de Srinagar, bastion de la contestation contre l'Inde, les rues sont désertes. Des soldats armés tiennent des barrages de barbelés. Seuls les pigeons et les chiens errants se déplacent librement, raconte l'AFP.
Malgré le black-out, les habitants font état de manifestations sporadiques. Au moins l'un deux a trouvé la mort mardi après avoir été pourchassé par la police et s’être jeté dans une rivière, affirme une source policière locale. Un hôpital de la ville a reçu six personnes présentant des blessures par balles ou d'armes non létales, a indiqué un responsable médical.
"Nous savons que le Cachemire bout, confie un responsable sécuritaire à l'AFP. Il va exploser violemment mais nous ne savons pas quand. Je ne sais pas comment le confinement peut être levé sans voir des manifestations violentes".
Cette situation pourrait aussi être une aubaine pour les groupes terroristes d’enrôler la jeunesse, craignent des experts comme Omar Ahmad, chercheur sur l’islam indien: "Cela détruit tout le travail de dialogue mené depuis des décennies par les modérés. Et offre une propagande parfaite pour les extrémistes qui diront: voyez, vous ne serez jamais considérés comme des citoyens ordinaires."
Dernièrement, les groupes armés locaux ont établi des liens plus étroits avec les groupes internationaux comme Al-Qaïda et l’organisation Etat Islamique.
Risque de conflit avec le Pakistan
En révoquant l’autonomie du Cachemire, l’Inde s’attire les foudres du Pakistan, qui revendique aussi ce territoire. La lutte pour la souveraineté de cette région, qui a déjà provoqué trois guerres entre les pays voisins, pourrait-elle entraîner un nouveau conflit?
Cette possibilité n’est pas à exclure, a prévenu mardi le Premier ministre pakistanais Imran Khan. Selon lui, les Cachemiris en colère risquent de perpétrer des attentats contre les forces indiennes. De tels attaques, dont Delhi rendrait Islamabad responsable, pourraient déclencher une spirale de représailles entre les deux pays.
Le 22 juillet, lorsqu'il s'était rendu aux Etats-Unis, Imran Khan avait demandé au président Donald Trump de faire pression sur l'Inde pour qu'elle reprenne les pourparlers sur le Cachemire. En abrogeant son autonomie, le gouvernement fondamentaliste hindou ferme la porte à toutes négociations.
De plus, en échange de cette médiation américaine, le Pakistan avait accepté d'aider Washington dans sa négociation avec les talibans afghans. Désormais se pose la question de savoir si Islamabad va continuer à inciter ses alliés talibans à faire des concessions ou, au contraire, à durcir leurs positions.
Mouna Hussain avec agences / Sébastien Farcis / Emmanuel Derville