Dominique de Villepin a toujours nié être impliqué dans cette
manipulation, dans laquelle des noms de personnalités, dont celui
du président français, ont été ajoutés sur des listings bancaires
afin de les discréditer en faisant croire qu'elles détenaient des
comptes occultes.
Le général Rondot, 73 ans, a enquêté à partir de 2003 sur ces
listings Clearstream pour le compte d'une part du ministère de la
Défense et pour celui d'autre part de Dominique de Villepin, alors
ministre des Affaires étrangères.
Fameux carnets
Ses carnets, dans lesquels
il consignait l'avancée de sa mission, sont au coeur de l'affaire.
Lundi, devant le tribunal de Paris, il a affirmé que Dominique de
Villepin avait appris dès janvier 2004 que le nom de Nicolas
Sarkozy, son grand rival politique, apparaissait sur les listings
de l'institution financière luxembourgeoise. Ce que nie
formellement M. de Villepin.
Le 9 janvier 2004, "je me retrouve dans un bureau du ministre des
Affaires étrangères, avec Jean-Louis Gergorin", l'ancien
vice-président du groupe aéronautique européen EADS - également
inculpé dans l'affaire - et Dominique de Villepin, raconte le
général Rondot.
"Le nom de Nicolas Sarkozy est cité, par les uns ou par les
autres. Effectivement, Jean-Louis Gergorin évoque un compte sur un
certain Bocsa, le liant à Nicolas Sarkozy". Bocsa est l'un des
éléments du patronyme complet de Nicolas Sarkozy.
Sur ordre de Chirac
Par ailleurs, l'ancien espion affirme que Dominique de Villepin
s'est alors recommandé d'instructions du président de l'époque,
Jacques Chirac, pour enquêter sur cette affaire de comptes
occultes, ce que l'ex-Premier ministre nie également. "J'ai
toujours été persuadé que cela avait été commandé par le chef de
l'Etat, sinon je ne l'aurais pas fait", a martelé l'officier.
Autre affirmation embarrassante pour l'ex-ministre des Affaires
étrangères: le général Rondot assure que Dominique de Villepin lui
a demandé en mars 2004 d'intervenir pour faire libérer le
mathématicien Imad Lahoud -autre inculpé dans le procès et
faussaire présumé des listings-, qui avait été placé en garde à vue
pour une affaire annexe d'escroquerie.
"Il m'a dit: il faut le libérer. Il ne me donne pas de nom, mais
j'ai vite compris", a raconté le général Rondot. Depuis le début du
procès, Dominique de Villepin conteste cette version et affirme ne
pas connaître Imad Lahoud.
«Incohérences»
Le général Rondot était à l'époque en contact avec Imad Lahoud,
qui lui avait assuré qu'il pourrait aider la France dans la traque
d'Oussama ben Laden, le chef du réseau terroriste Al-Qaïda. C'est
"parfois à partir d'une source fragile et d'un fil ténu qu'on
réalise la capture d'un terroriste", a déclaré le général Rondot,
se défendant de toute naïveté. A plusieurs reprises, M. de Villepin
a critiqué "les incohérences" des carnets du général Rondot, qui
selon lui, "ne retranscrivent pas la réalité historique".
Le général Rondot, qui a mené une longue carrière dans le
renseignement, était jusqu'à l'affaire Clearstream surtout connu
pour son rôle dans la capture du terroriste Carlos en 1994.
afp/cht
Une lutte sans merci entre Villepin et Sarkozy
Le procès Clearstream, ouvert le 21 septembre, se terminera le 23 octobre.
Il illustre la rivalité féroce entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin, qui à l'époque de l'affaire faisaient partie du même gouvernement mais étaient concurrents dans la course à l'élection présidentielle de 2007.
Poursuivi pour "complicité de dénonciation calomnieuse", Dominique de Villepin est soupçonné d'avoir sciemment transmis des listings bancaires falsifiés au juge Renaud van Ruymbeke pour barrer la route de l'Elysée à son rival Nicolas Sarkozy, qui y apparaît sous ses patronymes Nagy et Bocsa.
Ces listings attribuent à de nombreuses personnalités des comptes occultes à l'étranger.