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Les infirmières tentent d'oublier le passé

L'une des infirmières, Christiana Valcheva, dans ses souvenirs
L'une des infirmières, Christiana Valcheva, dans ses souvenirs
Les infirmières et le médecin bulgares heureux mais traumatisés et épuisés, tentaient mercredi de renouer les fils de leur vie après leur libération, la veille, de plus de huit ans de détention en Libye.

"Nous savons que nous sommes (...) sortis de l'enfer pour
revenir au paradis", a déclaré l'infirmière Kristiana Valtcheva au
cours de leur première conférence de presse depuis leur libération.
"Nous ne voulons pas revenir sur les mauvaises choses que nous
avons endurées. Nous voulons oublier ce qui s'est passé durant ces
huit années et demi et vivre une nouvelle vie", a-t-elle
ajouté.

Syndrome du sous-marinier

Les six praticiens souffrent de séquelles psychologiques liées à
leur long séjour dans un espace clos et aux séances de tortures
auxquelles ils ont été soumis pour leur arracher des aveux, a
indiqué l'hôpital militaire de Sofia où tous ont entamé mercredi
des examens de santé approfondis.



Leur état psychologique est "proche de celui des sous-mariniers
après un long séjour dans un espace clos, dans des mauvaises
conditions" et est marqué notamment par de l'agoraphobie, a déclaré
le directeur de l'hôpital, Stoïan Tonev. Il a ajouté que ses
patients et leurs familles "traversaient actuellement la période la
plus dure" et qu'il était "difficile de prévoir comment ils
réagiraient à la décompensation après une longue période de
stress".



Leur conférence de presse a ainsi démarré avec plus de deux heures
de retard mercredi après-midi, en l'absence de trois infirmières
qui n'étaient "pas en état de participer", selon les
organisateurs.

Pas de détails sur les tortures

Les praticiens, qui avaient été condamnés à mort sous
l'accusation d'avoir inoculé le sida à des enfants en Libye. Les
six praticiens n'ont cessé de nier les faits, soulignant que leurs
aveux ont été extorqués sous la torture.



Détaillant récemment les sévices subis par sa fille, la mère de
Kristiana Valtcheva avait fait état d'interrogatoires où elle se
trouvait nue et les yeux bandés. "Lorsqu'elle s'évanouissait, on la
ranimait avec des électrochocs. Un des policiers éteignait sa
cigarette sur les ongles de ses pieds. Lorsqu'elle demandait de
l'eau, une surveillante lui enfonçait sa chaussure dans la bouche",
avait-elle déclaré le 10 juillet dernier.



Lors de la conférence de presse, les praticiens n'ont pas souhaité
s'étendre sur leurs conditions de détention et n'ont pas
directement évoqué les tortures. "Nous sommes innocents et c'est
pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. C'est le message que je veux
adresser au monde", a résumé le médecin d'origine palestinienne,
Achraf Joumaa Hajouj.

Prêtes à témoigner

L'infirmière Nassia Nenova, 40 ans, s'est contentée de signaler
que les premières années de détention avaient été les plus
difficiles, surtout la première. "Nous étions retenus dans des
cellules obscures, séparées, sans savoir ce qui arrivait aux
autres", a-t-elle témoigné.



Sans exclure un possible "pardon", l'infirmière Kristiana
Valtcheva a affirmé, comme ses deux collègues, être prête à
témoigner contre onze tortionnaires libyens présumés, dans le cadre
d'une procédure judiciaire lancée par le parquet bulgare en
janvier. Cette procédure est sans rapport avec l'accord conclu avec
la Libye pour obtenir l'extradition des praticiens, a précisé le
procureur général Boris Veltchev mercredi.



agences/tac

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Dette libyenne effacée?

Le Premier ministre bulgare, Sergueï Stanichev, a indiqué que Sofia envisageait d'effacer la dette libyenne d'une valeur de 54 millions de dollars (39 millions d'euros) au titre d'une participation au Fonds spécial Benghazi qui accorde de l'aide humanitaire aux familles des enfants libyens contaminés par le sida.

Sergueï Stanichev, qui a précisé qu'aucune décision n'avait été prise, a souligné qu'"il ne s'agit pas d'une rançon ou reconnaissance de culpabilité" des infirmières et du médecin, "mais d'une aide humanitaire pour soigner les enfants libyens" contaminés.

Tripoli proteste auprès de Sofia

La Libye a convoqué mercredi le premier secrétaire de l'ambassade de Bulgarie à Tripoli pour protester officiellement contre la grâce accordée mardi aux infirmières et au médecin bulgares, apprend-on de source officielle.

En cours de journée, les familles des enfants libyens contaminés par le sida avaient "dénoncé vigoureusement" la grâce accordée aux praticiens libérés mardi par le président bulgare. Ces familles s'élevaient, dans un communiqué, contre "le mépris du président bulgare à l'égard du droit international et du sang des enfants" contaminés et réclamaient "l'arrestation des infirmières pour qu'ils purgent le reste de leurs peines".