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Argentine: un "ange de la mort" face à ses juges

Alfredo Astiz est accusé d'avoir activement pris part aux "disparitions forcées".
Alfredo Astiz est accusé d'avoir activement pris part aux "disparitions forcées".
L'ancien capitaine de corvette Alfredo Astiz, espion à l'époque de la sale guerre en Argentine, est jugé à partir de ce vendredi pour la mort sous la torture de deux religieuses françaises, d'un journaliste et de trois militants des droits de l'Homme.

Alfredo Astiz, plus connu sous le surnom d'"ange blond de la
mort", pour sa cruauté sous des allures d'enfant de choeur, avait
infiltré le groupe. Sous la dictature, entre 1976 et 1983, il est
présumé avoir joué un rôle important dans la chasse aux opposants
de gauche et leurs supposés sympathisants.

Pour pénétrer le groupe de défenseurs des droits humains, il
s'était présenté comme le frère d'un des milliers de disparus,
probablement enlevés et tués par les forces de sécurité dans des
centres de torture clandestins.



Astiz est jugé avec 19 autres anciens de la Marine. Ce méga-procès
longtemps attendu, doit faire la lumière sur des enlèvements, des
actes de tortures et des meurtres perpétrés dans les sous-sols de
l'école de mécanique de la Marine, de sinistre réputation.

Des milliers de victimes

D'après les militants des droits de l'Homme, quelque 5000
prisonniers sont passés par ces antichambres de la mort. Moins de
la moitié ont survécu.



"Seule une partie des personnes responsables sont jugées ici"
confie Luis Alem, le sous-secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme
du gouvernement. "Nous espérons que ce sera un point de départ et
qu'ils seront condamnés à la prison à vie".



Alfredo Astiz, 58 ans, aurait participé activement à l'enlèvement
et à la disparition des religieuses françaises, Alice Domon et
Léonie Duquet, du journaliste d'investigation Rodolfo Walsh, et de
plusieurs fondateurs du mouvement de la Plaza de Mayo (la Place de
mai).

Déjà condamné à l'étranger

Alfredo Astiz nie avoir eu connaissance des "vols de la mort"
(lire ci-contre), et affirme n'avoir fait
qu'exécuter des ordres, en tant que membre des forces armées, pour
protéger la nation de violences des extrémistes.



Il a déjà été condamné par contumace en 1990 en France, pour le
meurtre des nonnes et en Italie, pour la disparition de trois de
ses citoyens. En Argentine, il a été jugé une première fois en
1985, puis amnistié, avant la réouverture des procès en 2005.



D'après le centre d'études légales et sociales, il y aurait 385
autres Argentins attendant d'être jugés pour les crimes de la "sale
guerre".



ap/jeh

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Faire disparaître les proches de disparus

En 1967, les mères de disparus se rassemblaient devant le palais présidentiel pour demander des nouvelles de leurs enfants.

Le groupe, animé par Duquet, Domon et une troisième nonne qui a fui le pays, se réunissait aussi dans une église du voisinage pour échanger les informations recueillies sur les disparus.

Un jeune homme se présentant comme Gustavo Nino, frère d'un disparu, venait régulièrement aux réunions.

Nino était en fait Astiz, et en décembre 1977 il a identifié pour les forces de sécurité les deux religieuses et une dizaine d'autres militants qui allaient être kidnappés.

D'après des témoins, Léonie Duquet aurait été emprisonnée à l'école de Mécanique jusqu'à ce que son corps soit jeté depuis un avion dans l'Océan Atlantique, lors d'un "vol de la mort" destiné à se débarrasser définitivement des cadavres des prisonniers.

Mais le corps de la religieuse devait être renvoyé vers les côtes argentines, et enterré dans une sépulture sans nom.

En 2005, des experts en anthropologie ont pu l'identifier, avec celui d'une autre "folle" de la Place de mai, Azucea Villaflor de Vicenti.