Le Sénat se réunira de nouveau mardi 20 août pour voter la défiance contre le gouvernement italien à l'initiative de Matteo Salvini. C'est l'aboutissement d'une année d'efforts. Omniprésent ministre de l'Intérieur, le Milanais de 46 ans n'a eu de cesse de faire parler de lui et cela semble payer. Selon plusieurs estimations, il bénéficie d'une popularité record, à 35-40% des intentions de vote. Mais quel est son secret ?
"Il communique de façon permanente et il le fait de manière simple et efficace", observe le professeur Davide Rodogno, rencontré par la RTS. "On se rappelle de Berlusconi en Sardaigne sur des yachts avec des gens très riches. Salvini ne fait pas du tout ça (...) Il se mélange avec les gens dans les plages", relève cet historien d'origine sicilienne.
Un homme du peuple
Aussi souvent en polo qu'en costume, Matteo Salvini arpente en effet depuis plusieurs semaines les plages de la péninsule, ces plages où il refuse de laisser débarquer des migrants. Une façon de marquer son territoire, de montrer sa proximité et d'assurer le show.
Il est difficile de comprendre quel est le fond de la pensée de cet homme
Avec sa gouaille toute méditerranéenne et ses déclarations à l'emporte-pièce, le chef de file de la Lega a ainsi réussi convaincre les Italiens qu'il était comme eux. "Il a un discours populiste, certes, mais pas fasciste", estime Davide Rodogno. Et d'ajouter: "Cela ne veut pas dire qu'il n'utilise pas des méthodes fascisantes". Autrement dit, Matteo Salvini peut tenir des propos racistes et xénophobes sans états d'âme, mais il peut aussi tenir un chapelet, ce qu'un vrai fasciste aurait eu du mal à faire.
"Le fascisme se veut révolutionnaire", développe l'historien. "Or, je ne vois rien de révolutionnaire chez Matteo Salvini. Il tient un discours d'extrême droite qui est vieux, usé, abusé. Ce qui change, c'est la manière dont tout cela est emballé, mis au goût du jour", explique-t-il.
Une "bête" à son service
Un storytelling soigné par une équipe de communication efficace et au fait des dernières innovations en termes de marketing digital. Son compte Twitter enregistre 1,1 million d'abonnés. Il devance ainsi la chancelière allemande Angela Merkel.
A l'aise à l'oral et sur scène, Matteo Salvini a été l'un des premiers hommes politiques à enregistrer des Facebook Lives. Et il aurait un algorithme à son service, développé avec l'aide de son très discret responsable de communication, un informaticien nommé Luca Morisi. Surnommé "la bête", l'algorithme, cité notamment par La Stampa, permettrait à la Lega d'analyser les données de ses fans pour affiner sa rhétorique numérique. Là où le Mouvement 5 étoiles, l'ex-allié gouvernemental, avait utilisé internet pour sa communication interne, la Lega a mis ces nouveaux outils au service de son leader, analyse Davide Rodogno.
"Matteo Salvini se fait appeler “le capitaine” et aujourd'hui il incarne la Lega à lui tout seul, à la différence d'un Matteo Renzi qui doit composer avec son parti, le Parti démocrate», commente encore l'historien.
Discours ambigu
Avec cette méthode, assortie d'un contexte de crise économique et migratoire dans la péninsule, Matteo Salvini a réussi à effacer ses ambiguïtés. Il est également parvenu à faire oublier aux Italiens du Sud à quel point il méprisait les méridionaux, il y a quelques années encore.
Le temps des institutions a désormais rattrapé Matteo Salvini
Après avoir transformé la Ligue du Nord en Ligue, un parti à dimension nationale, le turbulent ministre veut donc capitaliser sur ses récents succès pour gouverner seul. Mais la République parlementaire a repris le dessus grâce à une majorité désormais composée du Mouvement 5 étoiles et du Parti démocrate.
Dans le même temps, sur le terrain, quelques manifestations anti-Salvini ont eu lieu dans le sud du pays, notamment en Sicile. La méthode du capitaine toucherait-elle à ses limites? L'avenir le dira.
Article et vidéo web : Juliette Galeazzi