Les autorités avaient donné jusqu'à mardi soir aux migrants sans statut légal pour régulariser leur situation, sous peine d'être expulsés. Mais selon plusieurs ONG, ces expulsions ont déjà commencé et plus d'un millier de réfugiés ont déjà été arrêtés. Quelque 600 personnes auraient même déjà été reconduites en Syrie.
"Les policiers font des descentes dans les quartiers, dans les commerces, dans les maisons. Ils font des contrôles d'identité dans les transports en commun et quand ils attrapent des Syriens, ils les emmènent au bureau de l'immigration puis les expulsent", décrit Eyup Ozer, membre du collectif "We want to live together initiative".
Le gouvernement turc dément pour sa part ces renvois forcés. Mais cette vague d'arrestations intervient dans un climat hostile envers les 3,6 millions de réfugiés syriens installés en Turquie.
Solidarité islamique
Bien accueillis au début de la guerre, au nom de la solidarité islamique défendue par le président turc Recep Tayyip Erdogan dans l'idée de combattre Bachar al-Assad, ces réfugiés syriens sont aujourd'hui devenus un enjeu politique.
Retenus à leur arrivée dans des camps, parfois dans des conditions difficiles, nombre d'entre eux ont quitté leur point de chute pour tenter leur chance dans le reste du pays et en particulier dans les villes. A Istanbul, le poumon économique de la Turquie, la présence de ces nouveaux-venus est bien visible. La plupart ont ouvert des commerces et des restaurants, et leurs devantures, en arabe, agacent, voire suscitent des jalousies.
"L'économie turque va mal, c'est pour cette raison qu'on ressent davantage les effets de la crise syrienne", explique Lami Bertan Tokuzlu, professeur de droit à l'Université Bilgi d'Istanbul. "Les Turcs n'approuvent plus les dépenses du gouvernement en faveur des Syriens", relève ce spécialiste des migrations.
Ressentiment croissant
Après l'euphorie économique des années 2010, la Turquie est confrontée depuis plus d'un an à la dévaluation de sa monnaie et à un taux de chômage en hausse, à 10,9% en 2018.
Dans ce contexte peu favorable et alors que les inégalités se creusent, la contestation s'est cristallisée autour de la question des migrants. Celle-ci expliquerait, selon certains experts, la déroute du candidat de Recep Tayyip Erdogan à la mairie d'Istanbul.
Conscient de ce ressentiment dans la population et des conséquences potentielles pour sa popularité, le président a commencé à adapter son discours dès 2018. L'ultimatum lancé à ceux qui ont quitté une province turque où ils étaient enregistrés pour s'installer à Istanbul illustre une tension croissante.
>> Revoir également le reportage du 19h30:
Article et vidéo web: Juliette Galeazzi
Reportage TV: Leila Salhi, à Istanbul