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Des pasteurs américains, la Bible dans une main, des serpents de l'autre

Aux Etats-Unis, des églises utilisent des serpents venimeux pendant le culte, pour suivre à la lettre un passage de l'évangile
Aux Etats-Unis, des églises utilisent des serpents venimeux pendant le culte, pour suivre à la lettre un passage de l'évangile / 19h30 / 4 min. / le 28 avril 2019
Aux Etats-Unis, des églises pentecôtistes pratiquent le culte au moyen de serpents venimeux, pour suivre à la Lettre un passage de l’évangile. Le pasteur manipule des crotales dont la morsure peut être mortelle. Reportage. 

Il faut s'enfoncer profondément dans les collines des Appalaches, une région pauvre et isolée, aux confins de la Virginie occidentale, du Tennessee et du Kentucky, pour atteindre l’une de ces églises où l'on suit toujours à la lettre l'Evangile de St-Marc, chapitre 16, verset 18: "Ils saisiront des serpents".

Le sous-sol de l'église résonne du bruit de crécelle des serpents à sonnettes, élevés par Chris Wolford, le pasteur pentecôtiste. "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie à un ami. Et Jésus est le meilleur ami que j'aie jamais eu. Ce que les gens ne comprennent pas, c'est qu'on a peur, comme tout le monde jusqu'à ce que l'Esprit arrive et nous enlève la peur", explique-t-il à la RTS.

Chris saisit les serpents et les dépose dans une boîte d’où il les sortira durant le culte, à l’étage du dessus. À ses côtés, Byron Crawford acquiesce: "Vous offrez votre vie pour la Parole de Dieu. Il faut être prêt à donner sa vie".

Pasteur en transe

Dans l’église, un orchestre se met à jouer des airs de rock’n roll et de country devant une trentaine de fidèles. Le pasteur Chris entame son prêche, atteint un état de transe et se décide à saisir les serpents. Il les brandit devant lui, les secoue, danse fébrilement en les tenant dans ses deux mains. Lui-même a survécu à deux morsures dans le passé.

Si je meurs, je meurs, si je vis, je vis. De toute façon, Dieu contrôle tout

Chris Wolford, pasteur pentecôtiste

Mais Chris a perdu son frère et son père, pasteurs eux aussi, morts des suites de morsures de crotales. Comme eux, il refuse d'être emmené à l’hôpital s'il est mordu. "C’est vrai que ça paraît fou, pour ce monde terrestre. Mais c'est la Parole de Dieu, et elle nous dit de saisir des serpents. Dieu nous montre ce qu'était le jardin d'Eden: il n'y avait pas de peur. J'ai vu mon père et mon frère mourir de cette façon, et ils n'ont pas demandé d'aide", précise-t-il.

Un rituel toléré

Le professeur Ralph Hood de l’Université du Tennessee estime qu’une trentaine d’églises et plusieurs dizaines de familles ou de petites communautés pratiquent encore ce rituel dans les Appalaches.

La mère du pasteur Wolford y a perdu un mari et un fils, mais elle reste fidèle au culte. "Je ne peux pas empêcher mon fils. On l'a élevé dans cette foi. C'est la parole de Dieu, Marc 16, verset 18: 'ils chasseront les démons; ils parleront de nouvelles langues; ils saisiront des serpents'. Dieu a laissé Pierre être crucifié ou Etienne être lapidé... et ils ne faisaient que ce qu'il leur disait de faire: prêcher. C'est la même chose", défend-elle.

Durant le culte, le pasteur boit ce qu'il dit être de la strychnine, un poison, toujours selon la Bible. [RTS - Philippe Revaz]
Durant le culte, le pasteur boit ce qu'il dit être de la strychnine, un poison, toujours selon la Bible. [RTS - Philippe Revaz]

L’église du pasteur Chris est située en Virginie Occidentale. C’est le dernier Etat américain où la pratique est encore légale. Partout ailleurs – Kentucky, Tennessee ou Alabama - elle est tolérée mais reste très discrète. Chris Wolford dit trouver ses vipères et crotales dans les forêts environnantes. Mais ces dernières années, la police a déjà démantelé des réseaux de trafic de serpent.

Crise de panique

Après le culte, les fidèles se rassemblent pour manger ensemble dans le sous-sol de l’église. L’un d’eux admet que ses amis le traitent parfois de fou, mais il n’en a cure. "Il n'y a rien de plus puissant que de sentir la force de Dieu quand on saisit un serpent. J'ai essayé toutes les drogues possibles: il n'y en a aucune qui vous fera ressentir cette présence de Dieu".

À l’extérieur une jeune femme paraît plus inquiète. Elle est la fille du second pasteur de la communauté. "Ça me rend nerveuse. C'est ma mère, mon père, mon frère qui sont là. S'ils sont mordus, ce serait terrible. La première fois que mon père a saisi un serpent, j'ai eu une crise de panique et j'ai dû sortir", confie-t-elle.

Les serpents n'ont tué personne, ce jour-là. Ils ont été ramenés au sous-sol de l'église. Ils mordront peut-être un prochain dimanche... si Dieu, le destin ou la maladresse en décident ainsi.

Philippe Revaz

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