Après avoir longtemps refusé de délier les cordons de la bourse,
la commissaire à l'Agriculture, Mariann Fischer Boel, a fini, lors
d'une réunion à Luxembourg des ministres de l'Agriculture
européens, par "vider ses poches", selon son expression.
L'annonce intervient en réponse à la demande d'un groupe de 21
pays, emmenés par la France et l'Allemagne, qui milite activement
pour que le secteur laitier, en cours de libéralisation avec la fin
programmée des quotas (plafonds) de production, ne soit pas livré à
la seule loi du marché.
France et Allemagne en tête
Le nouveau
fonds sera réparti au niveau national au prorata de la production
laitière, ce qui fera de l'Allemagne (20%) et de la France (17%)
les deux principaux bénéficiaires de l'enveloppe. Paris estime
négocier pouvoir en obtenir entre 47,6 et 60 millions
d'euros.
L'argent devra permettre de venir en aide aux exploitants qui ont
les problèmes de liquidités les plus importants, sur la base de
critères "non discriminatoires". Il s'agit d'une "contribution de
la Commission pour mettre un terme aux manifestations dans les
rues", a reconnu Mariann Fischer Boel, soumise à une intense
pression depuis des semaines. Elle a reconnu dans le même temps que
cela représentait "moins de 1000 euros par producteur".
Aucun des ministres présents à la réunion n'a soutenu l'idée
d'un retour aux quotas de production, a souligné Mariann Fischer
Boel, en rappelant qu'un groupe de travail de haut niveau était
chargé de réfléchir d'ici juin 2010 à des moyens de protéger la
filière contre les trop grandes fluctuations de prix.
"Il n'y aura plus un sou"
La commissaire danoise a en revanche prévenu qu'après ces 280
millions d'euros, elle ne pourrait plus faire de cadeaux. "Vous
avez plumé la poule aux oeufs d'or au maximum, il ne me reste
rien", a-t-elle averti. Et de marteler: "On peut avoir d'autres
craintes dans le monde agricole, mais là je le dis il n'y aura plus
un sou".
Une allusion claire aux velléités du ministre de l'Agriculture
Bruno Le Maire, confronté en France à une grogne de l'ensemble de
l'agriculture, d'obtenir des aides pour d'autres filières
agricoles. Ce dernier a filé la métaphore en lui répondant qu'il ne
fallait "pas mettre tous ses oeufs dans le même panier".
afp/mej
Vaste manifestation de paysans
Devant le bâtiment où se réunissaient les ministres, les éleveurs (entre 1500 et 2000 selon la police, 4000 à 5000, selon les organisateurs) ont déversé du purin et jeté des oeufs sur les forces de l'ordre, mettant le feu à des balles de foin et à des pneus.
Une école primaire, une grande galerie commerciale et un complexe de salles de cinéma ont dû être exceptionnellement fermés en raison du rassemblement, qui a bloqué également les transports en commun.
Le président de la fédération des syndicats agricoles européens COPA, Padraig Walshe, s'est félicité de l'annonce de Bruxelles, tout en estimant que ce n'était "pas assez".
"Nous ne pouvons pas continuer ainsi en Europe avec des agriculteurs au bord de la banqueroute", a-t-il souligné, ajoutant que d'autres secteurs, l'élevage ou les céréales, étaient aussi "sous pression".
Les agriculteurs plus radicaux de la Fédération européenne des producteurs laitiers (EMB), à l'origine des récentes grèves des livraisons de lait, ont estimé pour leur part qu'ils ne pouvaient se contenter de cette subvention "sans une réduction des volumes" de lait sur le marché.