Le défi était de taille. En 2018, la rencontre du "groupe des sept", qui réunit Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie et Canada, s'était achevée en queue de poisson, après une volte-face du président américain Donald Trump qui avait décidé de retirer le soutien de son pays au communiqué final.
Cette année, le G7, organisé à Biarritz, dans le sud-ouest de la France, passait donc un peu pour le sommet de la dernière chance. D'aucuns se demandaient ce que la très controversée réunion apportait encore. Mais c'était compter sans Emmanuel Macron.
Un rôle de médiateur
Depuis son élection en mai 2017, le président français se plaît à jouer un rôle de médiateur diplomatique sur la scène internationale. Or, il avait dû mettre celui-ci entre parenthèse ces derniers mois à cause de la crise sociale qui a agité la France, sur fond de mouvement des gilets jaunes. "Pour Emmanuel Macron, ce G7 signifiait clairement l'occasion de se repositionner sur des questions essentielles comme l'Iran ou l'Ukraine, des questions où il entend jouer un rôle clé", observe Anne Fournier, l'envoyée spéciale de la RTS à Biarritz.
Nous avons des désaccords, mais les grands défis, le climat (...) la lutte contre les inégalités, cette insécurité qui est partout dans le monde, nous ne les résoudrons qu'en agissant ensemble
Le président français avait affiché la couleur avant même l'ouverture du sommet en exhortant ses partenaires à oeuvrer ensemble pour "obtenir des accords utiles", "défendre la paix" et éviter les guerres commerciales. Sur le climat, "vous savez nos désaccords entre certains pays, en particulier avec les Etats-Unis", a-t-il lancé samedi dans un message aux Français. "Mais j'ai voulu que ce G7 soit utile et donc nous devons répondre à l'appel de l'océan et à l'appel de la forêt qui brûle aujourd'hui en Amazonie de manière là aussi très concrète".
La carte écologique
Servi par l'actualité, Emmanuel Macron a fait des incendies au Brésil une des priorités du sommet et, malgré quelques échanges tendus avec Jair Bolsonaro (lire encadré), il est arrivé à ses fins: une aide d'urgence d'au moins 20 millions de dollars pour soutenir les pays touchés par les incendies qui ravagent l'Amazonie, a annoncé le président français lundi matin.
"L'écologie est l'un des points faibles d'Emmanuel Macron depuis le départ de Nicolas Hulot du gouvernement et l'accord de libre-échange signé avec le Canada. En faisant de l'Amazonie une urgence, il a fait un calcul politique opportuniste qui lui permet de verdir un peu son image auprès d'une partie de l'électorat", analyse Anne Fournier.
Coup diplomatique sur l'Iran
Mais c'est surtout la visite surprise du chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif le 25 août, qui restera dans les annales. Dans un contexte de tensions croissantes entre Washington et Téhéran, Emmanuel Macron a réussi à imposer un climat de détente entre les deux puissances. S'ils ne se sont pas rencontrés, les deux dirigeants ont chacun de leur côté montré des signes d'apaisement.
>> Lire : Accord sur le nucléaire iranien, retour sur quatre ans de délitement
Loin de ses menaces habituelles, Donald Trump a déclaré avoir lui-même validé la visite surprise du chef de la diplomatie iranienne dimanche à Biarritz, en marge du sommet. "Il est trop tôt pour le rencontrer", a-t-il déclaré. Mais sur le principe de la visite, le président Macron "a demandé mon accord". Le chef de l'Etat français avait en effet consacré un long déjeuner à son homologue américain à son arrivée dans le Pays basque.
Emmanuel Macron a réussi son pari: il y a eu une communication et des échanges pendant le G7
Après son départ fracassant du précédent sommet, un des principaux enjeux pour Emmanuel Macron était de dompter un Donald Trump imprévisible et avec lequel il n'a pas toujours entretenu des relations au beau fixe.
Guerre commerciale
Mission accomplie là aussi. Au-delà du dossier iranien, le président américain a également tendu la main lundi à la Chine dans la guerre commerciale qui fait rage entre Pékin et Washington.
Dans un Biarritz barricadé, le G7 se ferme cette année sur une belle image d'unité et d'apaisement. Un peu comme ces photos de famille aux sourires unanimes. L'avenir dira s'ils étaient de façade.
Juliette Galeazzi, avec Anne Fournier (envoyée spéciale à Biarritz)
Vives tensions entre la France et le Brésil
Tendues depuis des semaines, les relations entre les autorités françaises et brésiliennes se sont brutalement dégradées ces derniers jours, avec un échange d'insultes et de propos fort peu diplomatiques sur fond de crise environnementale et politique.
Le président brésilien Jair Bolsonaro a en effet commenté le post d'un internaute brésilien qui se moquait du physique de Brigitte Macron, qui apparaissait sur une photo désavantageuse, le comparant à celui de Michelle Bolsonaro, rayonnante le jour de l'investiture de son mari.
Il s'agit là de "propos extraordinairement irrespectueux à l'égard de mon épouse", a estimé lundi Emmanuel Macron qui a aussi émis le souhait que "le peuple brésilien ait très rapidement un président qui se comporte à la hauteur". (AFP)
Bertrand Piccard: "Nous pouvons avoir une croissance qualitative"
L'aérostier et explorateur suisse Bertrand Piccard était à Biarritz ce week-end avec les grands de ce monde. Connu notamment pour avoir effectué un tour du monde à bord de l'avion Solar Impulse, il était l’un des représentants de la société civile au sommet du G7.
Il défend un changement de cap et sa vision d'une économie verte performante: "Aujourd’hui, nous pouvons avoir une croissance qualitative, qui consiste à créer des emplois et à faire du profit en remplaçant les vieux systèmes polluants par des systèmes propres qui protègent l’environnement. Lors de notre rencontre avec le président Macron, vendredi dernier à l’Elysée, il nous a dit très directement: 'le système ne marche plus. Il faut le modifier, il faut réduire les inégalités, protéger l’environnement. Nous devons avoir une autre vision du monde, mais je n’y arriverai jamais seul. Je suis obligé d’avoir de l’aide de la société civile, des entreprises, des ONG et des autres pays'".
"Notre monde marche sur la tête"
Bertrand Piccard, critique et alarmiste, défend une troisième voie: "Notre monde marche sur la tête. On permet des choses qui sont inacceptables: les produits chimiques dans la nourriture, la pollution des océans et de l’air, l’épuisement des ressources naturelles, le CO2 dans l’atmosphère... Tout cela est légalement autorisé. Dire que l’on va changer le système est une bonne chose".
"Si on va vers le décroissance, on va vers un chaos social total. Si on poursuit la croissance quantitative du toujours plus, on va vers un chaos environnemental. Donc, on doit aller vers une croissance qualitative, qui permet la création d’emplois et de profits en remplaçant ce qui est polluant par ce qui protège l’environnement".
>> Ecouter son interview exclusive en marge du grand sommet international: