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L'extrême droite allemande, entre crise de l'euro et mouvance néonazie

En Allemagne, les élections régionales ont vu une forte progression de l'AfD, un parti d'extrême droite fondé il y a six ans
En Allemagne, les élections régionales ont vu une forte progression de l'AfD, un parti d'extrême droite fondé il y a six ans / 19h30 / 2 min. / le 2 septembre 2019
L'Alternative pour l'Allemagne (AfD) a enregistré une nouvelle victoire dimanche dans deux régions d'ex-RDA. L'occasion de revenir en trois points sur le succès de ce parti fondé en 2013, aujourd'hui la 3e force politique du pays.

Un parti caméléon, europhobe et anti-migrants

L'Alternative pour l'Allemagne (AfD) est née il y a six ans, en pleine crise de l'euro. "A l'origine, le parti a été fondé par un cercle de professeurs d'économie, des hommes blancs, pour protester contre le sauvetage de l'euro et de pays comme la Grèce et le Portugal", rappelle Johannes Hillje à la RTS. Expert en communication politique à Berlin, il précise: "A l'époque, aucun parti ne jouait un rôle d'opposition. L'AfD s'est engouffrée dans cet espace en se positionnant contre la politique du gouvernement Merkel".

Surfant sur le ressentiment des Allemands qui avaient alors l'impression de payer pour le reste de l'Europe, l'AfD se retrouve dépourvue quelques mois plus tard lorsque la crise se tasse. Le parti est presque donné pour mort fin 2014, mais en 2015, il se saisit d'un nouveau thème: les migrations. Alors que la chancelière allemande Angela Merkel accueille plus d'un million de réfugiés, majoritairement syriens, l'AfD multiplie les propos racistes et xénophobes. D'anti-euro, il devient anti-migrants.

Plus récemment, dans la campagne pour les élections régionales en Saxe et dans le Brandebourg, deux Länder qui totalisent 5,8 millions d'électeurs, l'AfD a encore une fois su saisir la balle du populisme au bond en promettant d'achever la Réunification aux désillusionnés de la chute du Mur.

>> Lire : Comment l'AfD a fait campagne sur les désillusions des Allemands de l'Est

Un parti en lien avec la mouvance néonazie

La droitisation de l'AfD des débuts à aujourd'hui s'exprime surtout à travers les multiples changements de responsables qu'il y a eu. "Il est certain qu'Alexander Gauland ferme les yeux sur les relations de certains membres avec l'extrême droite, voire qu'il s'en sert pour conquérir des électeurs", estime Johannes Hillje. Pour lui, la relation entre l'AfD et l'extrême droite est plus évidente à l'est du pays où les formations radicales ont toujours été plus présentes.

Le développement politique de l'AfD ne se fait que dans une direction: vers la droite

Johannes Hillje, expert en communication politique

Comme beaucoup de leaders actuels de l'AfD, Andreas Kalbitz, qui a obtenu 22% des suffrages dimanche dans le Brandenbourg, est venu de l'Ouest pour faire carrière à l'Est. Pendant des années, il a entretenu des liens avec l'extrême droite et, en 2007, il a participé à un rassemblement néonazi avec Aube dorée à Athènes. Mais ce n'est pas ce qui préoccupe les électeurs, soulignait dimanche le Tages-Anzeiger.

De la même façon, l'émergence en janvier 2019 d'une fraction radicale de l'AfD baptisée "Der Flügel" (l'aile, en allemand) s'est faite en toute discrétion et reste pour l'heure non officielle. "L'AfD entretient des liens avec plusieurs mouvements identitaires, classés comme dangereux pour la démocratie en Allemagne", confirme Johannes Hillje. Mais pour lui, à ce stade, "s'il y a une domination de l'extrême droite à l'AfD, tout ne relève pas entièrement de l'extrême droite dans le parti".

Un parti isolé sur l'échiquier politique

Hormis quelques exceptions à l'échelle locale, aucun des partis traditionnels, que ce soient les sociaux-démocrates (SPD) ou les conservateurs d'Angela Merkel, la CDU, ne souhaite s'allier à l'AfD au niveau fédéral. Alors que l'AfD a bâti son succès sur leur déroute et sur la fragilité du 4e mandat de la chancelière, un rapprochement pourrait même être risqué. Au-delà des valeurs, le cadre légal est très strict en Allemagne où la Constitution permet l'interdiction de toute formation considérée comme une menace pour la démocratie.

Celui qui serrerait la main de l'AfD en ferait un parti normal

Johannes Hillje, expert en communication politique

"Certains représentants de l'AfD au Parlement fédéral ou dans des parlements régionaux tiennent des propos qui peuvent entraver la liberté religieuse et même les droits humains. Ce serait une stratégie dangereuse pour les partis démocrates", estime Johannes Hillje. D'autant plus dangereuse que l'exemple autrichien a démontré, selon lui, à quel point l'entrée au Parlement n'était pas forcément synonyme de normalisation.

Article web: Juliette Galeazzi, avec Anne Mailliet (à Berlin)

Sujet TV: Antoine Silacci

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