"C'est aussi régulier qu'une horloge. Si la journée est ensoleillée et calme, il y a 99,9% de chances d'apercevoir un bateau de migrants ou d'en entendre parler à la radio", raconte dans le 19h30 Matt Coker. Pêcheur depuis 20 ans à Douvres, le Britannique n'a jamais vu autant de migrants traverser la Manche en canot que cet été.
Depuis le début de l'année, près de trois fois plus de personnes ont tenté la traversée que sur l'ensemble de l'année 2018, d'après les chiffres officiels:
Certains désespérés essaient même de traverser à la nage le détroit large d'une trentaine de kilomètres en son point le plus étroit. Des tentatives à haut risque en raison de la présence de nombreux bateaux, mais aussi des courants violents et de la météo changeante.
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Fuir au Royaume-Uni pour quitter l'UE et le système Dublin
De l'autre côté de la Manche, la "jungle" de Calais a officiellement été démantelée en 2016. Mais aux abords de la ville française, des centaines de migrants continuent de vivre dans des campements nomades. De nombreux déboutés de l'asile qui espèrent que Londres n'appliquera plus le règlement de Dublin une fois le Brexit consommé.
"J'ai entendu dire que la Grande-Bretagne allait quitter l'Europe", raconte à la RTS un jeune migrant africain qui erre sur le continent depuis 2015. "Les autorités ne pourront donc plus me renvoyer dans le pays de l'Union européenne où j'ai laissé mes empreintes digitales. C'est pour cela que je veux me rendre en Grande-Bretagne."
"La seule solution pour cela, c'est de traverser la Manche", explique un autre. "En arrivant à Calais, tous pensaient que traverser la Manche serait facile. Mais moi je suis là depuis deux ans. Et je me sens comme en prison." Car le voyage coûte cher. Certains passeurs proposeraient une traversée en bateau pour 5000 francs.
Vers un appui financier britannique à la France
Fin août, le ministre français de l'Intérieur Christophe Castaner et son homologue britannique Priti Patel ont évoqué "la possibilité d'un appui financier britannique" à la France pour "juguler" les traversées de la Manche par des migrants.
Un nouvel effort financier de Londres servirait à "renforcer les patrouilles engagées et gagner en efficacité", a précisé Christophe Castaner, cité dans un communiqué. Cette éventuelle contribution financière - au montant encore inconnu - viendrait s'ajouter aux 7 millions d'euros déjà engagés par le Royaume-Uni en janvier pour l'acquisition de matériel de surveillance.
Johnson pour "une réécriture radicale" des procédures d'immigration
Un appui devenu urgent car, côté britannique, le mécontentement se fait entendre. Plusieurs conservateurs dénoncent une incapacité des Européens à expulser les requérants déboutés. A l'image d'Adam Holloway, député pro-Brexit du Kent, qui estime que la sortie de l'UE permettra au pays de reprendre le contrôle de ses frontières.
"Angela Merkel a accueilli un million de personnes (en 2015) qui après deux ans auraient le droit de venir s'installer en Grande-Bretagne", affirme le conservateur. "Mais le peuple britannique, mes électeurs, n'ont jamais fait ce choix. Angela Merkel l'a fait pour eux. Il y a un sentiment que la politique d'immigration a été prise en charge par l'UE."
Le nouveau Premier ministre britannique est très attendu sur la question migratoire, selon plusieurs enquêtes d'opinion. Boris Johnson a déclaré cet été vouloir "une réécriture radicale" des procédures d'immigration au Royaume-Uni, basée sur le modèle australien de système à points. "Le Royaume-Uni ne doit pas être perçu comme un pays où l'on peut venir et enfreindre la loi en entrant illégalement sur le territoire", a prévenu le chef du gouvernement fin août.
Reportage TV d'Adeline Percept
Adaptation web de Tamara Muncanovic