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Le pouvoir russe sanctionné dans les urnes à Moscou, mais gagnant ailleurs

Le haut du bâtiment de la Douma d'État, la Chambre basse du Parlement de Russie, à Moscou. [Keystone - AP Photo/Alexander Zemlianichenko]
Le parti de Vladimir Poutine subit un sérieux revers au Parlement de Moscou / Le 12h30 / 1 min. / le 9 septembre 2019
Le parti au pouvoir en Russie a subi de lourdes pertes dimanche aux élections du Parlement de Moscou. S'ils contrôlent encore cette assemblée avec 25 sièges sur 45, les députés loyaux au Kremlin perdent près d'un tiers de leurs élus par rapport à la précédente élection.

En 2014, les candidats du parti présidentiel Russie unie et leurs alliés avaient remporté 38 sièges, soit 13 de plus. Neuf anciens députés de Russie unie n'ont pas réussi à conserver leur siège, parmi lesquels le chef de la branche moscovite du parti, Andreï Metelsky, député depuis 2001. Face à la chute de la popularité du parti présidentiel, les autorités avaient pourtant pris soin de ne présenter aucun candidat sous cette bannière, tentant d'aller chercher des personnalités issues de la société civile.

La région de Khabarovsk, dans l'Extrême-Orient russe, est l'une des rares qui, hors de Moscou, a échappé aux proches du pouvoir. [AFP/Sputnik - Kirill Kallinikov]
La région de Khabarovsk, dans l'Extrême-Orient russe, est l'une des rares qui, hors de Moscou, a échappé aux proches du pouvoir. [AFP/Sputnik - Kirill Kallinikov]

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a préféré mettre l'accent sur les succès de ce parti dans le reste du territoire russe et estimé que ce scrutin avait été un "beau succès". A Saint-Pétersbourg, où la campagne avait été très controversée, le gouverneur par intérim soutenu par le Kremlin Alexandre Beglov s'est fait réélire dès le premier tour, mais l'opposition a dénoncé de nombreuses fraudes électorales. Ailleurs en Russie, la majorité des gouverneurs soutenus par Russie unie ont été réélus malgré quelques couacs, comme à Khabarovsk où le parti nationaliste LDPR a largement conquis le Parlement municipal.

Percée des communistes à Moscou

A Moscou, avec 13 députés contre 5 auparavant, les candidats communistes sont les grands gagnants de l'élection. Deux autres partis entrent au Parlement moscovite: les libéraux de Iabloko, qui remportent trois sièges et pourront en plus compter sur une indépendante qu'ils soutenaient, et le parti Russie juste, considéré comme faisant partie de l'opposition "tolérée" par le Kremlin, qui gagne trois députés.

L'opposant Alexeï Navalny, dont tous les alliés ont été exclus des élections, avait appelé les électeurs à "voter intelligemment" en soutenant les mieux placés pour battre les candidats du Kremlin. On ne sait toutefois pas si c'est son message qui a été suivi, ou si le contexte de grogne sociale liée à la montée de la pauvreté et à l'impopulaire réforme des retraites a davantage pesé dans la balance.

Faible participation

"On s'est battu ensemble pour ça. Merci à tous pour votre contribution", a déclaré Alexeï Navalny sur Twitter. L'avocate Lioubov Sobol, qui a émergé comme l'une des meneuses de la contestation de l'été, a elle salué "un résultat qui rentrera dans l'histoire de Moscou". Le taux de participation y est toutefois resté très bas: il s'est élevé à 21,77%, à peine plus que lors de la précédente élection locale en 2014.

Selon le spécialiste de la Russie Jean Radvanyi, interrogé par la RTS lundi matin, on ne peut toutefois pas parler de "réel échec" pour le parti au pouvoir, notamment parce qu'il ne recule pas hors de Moscou, et également parce que les partis de certains des nouveaux élus se sont, par le passé, déjà alliés avec le pouvoir à la chambre basse du parlement lors de décisions importantes.

>> Retrouvez son interview dans notre article: "La mobilisation en Russie n'a pas conduit à un échec réel du parti au pouvoir"

Candidats d'opposition écartés du scrutin

A l'appel de l'opposition, furieuse de voir ses candidats écartés de ce scrutin, plusieurs dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Moscou à un rythme quasi hebdomadaire depuis la mi-juillet, dans un mouvement de protestation inédit depuis 2012. Pour la plupart non autorisées, ces manifestations ont donné lieu à près de 2700 interpellations dans la capitale, du jamais vu depuis la vague de protestations de 2011-2012 qui avait précédé le retour de Vladimir Poutine à la présidence après un mandat de Premier ministre.

>> Lire à ce sujet : Communistes et libéraux manifestent à Moscou pour des élections "honnêtes"

Pratiquement toutes les figures de l'opposition ont reçu de courtes peines de prison et cinq manifestants ont écopé de lourdes peines pour des violences envers les forces de l'ordre, allant jusqu'à quatre ans de prison.

ats/Vincent Cherpillod

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L'ONU veut une enquête sur la répression d'avant les élections

Lundi, la Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme Michelle Bachelet a demandé l'ouverture d'enquêtes sur le "recours excessif" à la force par la police russe au cours des manifestations ayant précédé les élections. Elle a aussi appelé les autorités à "respecter la liberté d'expression, le droit de réunion pacifique et le droit de participer aux affaires publiques".

En tout, plus de 5000 élections ont eu lieu dans le pays dimanche. Les Russes ont élu 16 gouverneurs régionaux et les parlementaires locaux de 13 régions, dont la Crimée, péninsule ukrainienne annexée par la Russie en 2014.