C'est un débat de société qui échauffe les esprits en France: le projet de loi sur la bioéthique et son article contesté sur la procréation médicalement assistée (PMA).
Avant même l'examen proprement dit de la loi, une vraie guérilla parlementaire a débuté en commission spéciale. La méthode est connue quand on est minoritaire: enliser les débats sous une avalanche d'amendements – plus de 2000 pour les 32 articles du texte.
La droite française est montée au créneau mardi soir jusque tard dans la nuit. Son objectif étant de parvenir à neutraliser à tout prix l'article premier: il prévoit l'extension de la PMA aux couples de femmes.
Pour une députée des Républicains cela revient à "priver l'enfant d'une filiation vraisemblable". Et aussi à "écarter définitivement le père".
La ministre de la Justice Nicole Belloubet a annoncé lundi soir des évolutions du projet de loi à venir concernant la filiation des enfants de lesbiennes nés par PMA. Notamment, les couples de lesbiennes ayant recours à la PMA devront passer par une reconnaissance anticipée de l'enfant, comme peuvent le faire les couples hétérosexuels non-mariés.
La GPA, la gestation pour autrui
Le débat sur la GPA (lire encadré) s'invite au même moment, car le gouvernement français envisage d'adopter une circulaire reconnaissant la filiation des enfants nés à l'étranger d'une gestation pour autrui, soit grâce à une mère porteuse, cette pratique étant prohibée en France.
Il s'agit d'une mesure pour clarifier leur statut légal et une décision de justice est toujours attendue. La GPA ne figure pas dans le projet de loi et le gouvernement nie vigoureusement viser une reconnaissance automatique de ces enfants. Mais elle fait figure d'épouvantail pour une partie de la droite, bien décidée à rejouer la bataille sociétale qu'elle avait perdue contre le PACS et contre le mariage pour tous.
Sujet radio: Alexandre Habay
Adaptation web: Stéphanie Jaquet et les agences
La mère et la "mère d'intention"
Aujourd'hui, selon la loi française, la mère est celle qui accouche.
La conjointe du père biologique et "mère d'intention" de l'enfant née d'une GPA doit donc faire une demande d'adoption pour se voir reconnue comme mère à l'état civil.
La même logique s'applique pour le "père d'intention" dans le cas d'un couple gay.
Le 20 avril, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), a consacré le droit à la filiation de la "mère d'intention" tout en laissant aux États la liberté de choisir les moyens de cette reconnaissance.
Faute de "consensus européen", la CEDH relevait que les États disposent d'une "marge d'appréciation", la reconnaissance du lien pouvant se faire par exemple par retranscription de l'acte légalement établi à l'étranger ou via "l'adoption de l'enfant par la mère d'intention".
Tout est donc théoriquement possible: le statu quo comme la reconnaissance du principe de filiation de la "mère d'intention", allant jusqu'à l'inscription au registre d'état civil.
La PMA post-mortem rejetée
Les députés ont rejeté de justesse mercredi en commission des amendements visant à autoriser la PMA post-mortem, un sujet qui a divisé la plupart des groupes politiques, dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la bioéthique.
Que faire des gamètes ou embryons in vitro issus du conjoint en cas de décès? Le gouvernement est opposé à la poursuite du projet parental, la ministre de la Santé Agnès Buzyn soulignant les "risques pour la construction de l'enfant". Son avis a été suivi.
La PMA post-mortem a été rejetée en France à chaque révision des lois de bioéthique ces vingt dernières années.