Ce constitutionnaliste austère de 61 ans arrive en tête du premier tour avec 19% des voix, selon des résultats portant sur plus d'un quart des suffrages, a annoncé l'Instance des élections (Isie). Il devance l'homme d'affaires en prison Nabil Karoui (14,9% des voix), au coude à coude avec le candidat du parti d'inspiration islamiste Ennahdha, Abdelfattah Mourou (13,1%).
"C'est la stratégie anti-système qui l'a emporté", a déclaré à l'AFP un membre de l'Isie, Adil Brinsi.
Défaite cuisante pour le Premier ministre
Selon les résultats partiels, le ministre de la Défense Abdelkarim Zbidi arrive en quatrième position avec 9,6% des voix et le Premier ministre Youssef Chahed cinquième (7,4%). Une défaite cuisante pour les candidats de la famille libérale "centriste" issus du parti de l'ancien président Béji Caïd Essebsi, décédé en juillet.
Pour le politologue Hamza Meddeb, les Tunisiens ont exprimé "une désaffection très profonde vis-à-vis d'une classe politique qui n'a pas répondu aux attentes économiques et sociales". "Le dégoût de la classe politique semble se traduire par un vote pour des outsiders", a-t-il ajouté.
Sept millions d'électeurs étaient appelés dimanche à départager 26 candidats pour le premier tour de ce scrutin, qui s'est déroulé sur fond de grave crise économique et sociale.
Un "Robocop" et un "anti-sytème" emprisonné
Kais Saied et Nabil Karoui, qui ont revendiqué leur qualification dès dimanche soir, ont tous deux fait campagne sur ce sentiment de rejet. Fin connaisseur de la Constitution, Kais Saied s'est fait connaître comme commentateur politique et cultive une image de "M. Propre" incorruptible et au-dessus de la mêlée. Surnommé "Robocop" en raison de son attitude et sa diction rigides, il a multiplié les déplacements de terrain pour sa première campagne électorale.
Nabil Karoui, lui, est issu de l'establishment tunisien, mais il a vu son image d'"anti-système" renforcée après son incarcération, fin août, dans le cadre d'une enquête pour blanchiment et fraude fiscale.
Cet homme d'affaires de 56 ans a bâti sa popularité ces dernières années en organisant des opérations caritatives dans les régions défavorisées du pays. Il a derrière lui la puissance d'une chaîne privée, Nessma, dont il est le fondateur.
Si sa présence pour le second tour est confirmée et qu'il reste en prison, la Tunisie va se retrouver dans une situation quasiment sans précédent dans le monde. "La loi électorale a prévu plusieurs cas comme la maladie ou la mort d'un candidat, mais pas la prison. Tant que la justice ne s'est pas prononcée sur le cas de Karoui, rien ne changera lors de ce second tour vis-à-vis de ce candidat", a souligné le responsable de l'Instance des élections, Adil Brinsi.
ats/pym
Faible participation
La participation a été d'environ 45% selon des chiffres encore provisoires de l'Isie, un taux faible en regard des 64% enregistrés lors du premier tour de la présidentielle de 2014.
Les Tunisiens restent avant tout préoccupés par la crise sociale dans un pays sous perfusion du Fonds monétaire international (FMI), où le chômage est de 15% et où le coût de la vie a augmenté de 30% depuis 2016.