Khieu Samphan «a été amené devant la Cour et informé que les
poursuites à son encontre avaient été étendues à l'accusation de
génocide contre les Vietnamiens et (la minorité musulmane) des
Chams», a indiqué à l'AFP Lars Olsen, porte-parole du
tribunal.
Celui qui se présente comme un intellectuel patriote, tenu à
l'écart du «noyau dirigeant» ultra-secret des Khmers rouges, était
jusqu'à présent poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre
l'humanité.
Au total, jusqu'à 2 millions de personnes, soit un quart de la
population du Cambodge de l'époque, sont morts sous la torture,
d'épuisement ou de malnutrition pendant cette période.
Chams et Vietnamiens visés
Les massacres contre la population par le régime khmer rouge ne
sont cependant eux mêmes pas assimilables à un génocide selon la
définition de l'ONU, qui évoque des crimes «commis dans l'intention
de détruire, intégralement ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux».
Les Chams vivent principalement dans les provinces du centre du
pays et représentent environ 1,6% de la population du Cambodge
actuel, pays à majorité bouddhiste. Selon les historiens, entre
100'000 et 400'000 Chams ont été massacrés pendant cette période.
En revanche, aucune estimation précise du nombre de victimes
vietnamiennes n'est disponible.
Totalitarisme délibéré nié
Khieu Samphan soutient qu'il n'a joué aucun rôle dans les
atrocités commises par le régime cambodgien (1975-79) et qu'il
était tenu à l'écart du cercle restreint autour du "Frère numéro
un", Pol Pot. Dans un livre paru en 2004, il avait demandé aux
familles des victimes de "bien vouloir pardonner" sa "naïveté". En
2007, dans un nouvel ouvrage, il avait nié toute politique
délibérée du régime marxiste totalitaire d'"affamer" la population
ou de commettre des "crimes à grande échelle".
Celui qui a toujours souligné son "ignorance de ce qui se passait
réellement dans le pays" avait continué dans les années 1980, alors
que les Khmers rouges étaient redevenus rebelles, à incarner le
mouvement, occupant les postes de Premier ministre du gouvernement
communiste en exil et de président du parti. Il avait aussi tenté
de projeter une image de "modéré" alors que le monde prenait
conscience de l'ampleur des atrocités. Il a fait défection en 1998
et a été arrêté en novembre 2007.
Né en 1931, Khieu Samphan a fait ses études à Montpellier (sud-est
de la France) et obtenu le diplôme de docteur en économie avec une
thèse sur l'économie du Cambodge.
ats/afp/bri
L'un des quatre plus hauts dirigeants vivants
Khieu, défendu notamment par l'avocat français Jacques Vergès (qu'il avait rencontré il y a un demi-siècle à Paris, en fréquentant les cercles marxisants du mouvement anti-colonialiste) est le troisième ex-Khmer rouge à être formellement poursuivi pour génocide cette semaine, après le numéro deux et idéologue du régime de Pol Pot, Nuon Chea, et son ministre des Affaires étrangères, Ieng Sary.
Tous trois sont détenus dans une prison attenante au tribunal et doivent être jugés, en principe en 2011, avec Ieng Thirith, l'ex-ministre des Affaires sociales du régime et épouse de Ieng Sary. Le magistrat instructeur de ce dossier, le Français Marcel Lemonde, devrait clore son enquête dans les semaines à venir.
Ce procès des quatre plus hauts dirigeants vivants du «Kampuchéa démocratique» est le deuxième prévu devant cette Cour mise en place en 2006 après d'interminables négociations entre le Cambodge et la communauté internationale.
Le mois dernier, l'accusation a réclamé 40 ans de prison à l'encontre de Kaing Guek Eav, alias Douch, patron de la prison de Tuol Sleng à Phnom Penh, dans laquelle quelque 15'000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées. Douch est notamment accusé de crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Le verdict est attendu début 2010.
Cinq autres individus sont visés par des enquêtes supplémentaires. Mais le gouvernement cambodgien a répété qu'il s'opposait à ce qu'elles aboutissent.