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Les publicités Facebook, au cœur de la stratégie de Trump pour être réélu

Depuis maintenant plus de deux ans, le monde a appris à faire connaissance avec la "diplomatie du tweet" de Donald Trump. Pourtant, pour sa campagne présidentielle de 2020, c'est encore une fois Facebook que le président a décidé d'inonder de ses publicités.

En guerre avec les médias, Donald Trump a pris le parti des réseaux sociaux pour effectuer l'essentiel de sa communication. Connu pour ses tweets incendiaires ou laudatifs à toute heure de la journée, qui traitent aussi bien d'affaires internationales que de politique politicienne, le milliardaire américain n'en oublie pas pour autant Facebook.

Car bien davantage que Twitter, la plateforme de Mark Zuckerberg s'avère être le véhicule idéal pour parler à ceux qui intéressent le plus le président républicain: ses électeurs.

En 2016 déjà, Facebook avait joué un rôle pivot dans l'élection de Donald Trump. La société britannique Cambridge Analytica, collaborant avec la campagne républicaine, avait été accusée d'avoir récolté les données de 50 millions d'usagers sans leur consentement et créer un logiciel algorithmique conçu pour influencer leurs votes.

L'affaire avait fait scandale et l'entreprise a depuis fermé ses portes. Mais Facebook semble être resté pour Donald Trump l'alpha et l'omega de sa possible réélection.

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De la puissance financière

Grâce à la Bibliothèque publicitaire de Facebook, nouvel outil du groupe californien censé apporter davantage de transparence, il est désormais possible d'analyser semaine après semaine le financement des campagnes électorales.

Bien que non exhaustives, ces données apportent un certain nombre d'éléments significatifs sur le déroulement de la course à la présidence américaine.

Du mois de mai 2018 au 15 septembre 2019, le comité de campagne de Donald Trump a ainsi dépensé près de 18 millions de dollars en publicités sur Facebook, soit huit fois plus que Joe Biden, cinq fois plus que Bernie Sanders ou Elizabeth Warren et six fois plus que Kamala Harris.

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Ces écarts peuvent s'expliquer jusqu'à un certain point. Il est en effet légitime de penser que les candidats démocrates, s'étant lancés dans la campagne présidentielle plus tardivement, ont accumulé un retard circonstanciel qui pourrait être en partie rattrapé lors des prochains mois.

Mais l'importance des écarts indique toutefois clairement la place phare de Facebook dans l'offensive politique de Donald Trump. Sur les financements publicitaires effectués au cours de la semaine écoulée, l'équipe de campagne de Trump arrive au deuxième rang, avec 219'687 dollars. C'est là encore sept fois plus que Joe Biden, 1,4 fois plus que Bernie Sanders et plus de deux fois plus qu'Elizabeth Warren, tous trois étant vus comme les principaux rivaux du président sortant.

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Au-delà des dollars

Ces données chiffrées ne donnent pourtant qu'un aperçu de l'importance que Donald Trump accorde à Facebook pour sa réélection. Plusieurs autres éléments démontrent de manière nette à quel point le président américain compte sur cette plateforme pour rester quatre ans de plus à la Maison Blanche.

Au moins de février 2018, soit un peu plus d'un an après son arrivée au pouvoir, Donald Trump a décidé de nommer Brad Parscale directeur de sa campagne pour 2020. Originaire du Kansas, Brad Parscale, 43 ans, était le responsable numérique de la campagne de Trump en 2016.

La stratégie, gagnante une première fois, ne semble pas avoir changé. En analysant plusieurs publications sponsorisées sur Facebook, on note la même touche de provocation, de propos fallacieux et plusieurs manquements aux règles édictées par le réseau social.

Certaines erreurs peuvent être attribuées à de l'étourderie ou à un manque de sérieux, comme quand au mois de juillet 2019, une publicité présente au public américain Tracey, une blonde plantureuse de Floride, supportrice de Trump, qui se languit sur la plage. La jeune femme s'avère être en fait une modèle, dont on peut acheter l'image sur une banque de données.

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Des contenus limites

D'autres publications sponsorisées sont plus problématiques car elles concernent des sujets plus sensibles et parce qu'elles jouent d'un côté avec la crédulité des électeurs et de l'autre avec les conventions de Facebook.

Le 2 et 4 septembre 2019, soit quelques jours après une fusillade de masse dans les villes texanes d'Odessa et de Midland, une douzaine de contenus financés par le Comité "Trump Make America Great Again" laissent à penser que les démocrates souhaitent l'abrogation du Second Amendement, article constitutionnel américain qui autorise le port d'arme.

Certaines phrases employées flirtent alors avec les limites. Elles évoquent "certains démocrates", mais tendent à faire croire que des candidats à la présidence ou des membres du Congrès prônent la fin du Second Amendement.

Dans les faits pourtant, seuls quelques législateurs démocrates et Shannon Liss-Riordan, candidate au Sénat, ont appelé à son abolition.

Ces publicités ont été diffusées en majorité au Texas, mais aussi dans plusieurs "swing states" ou "Etats pivots" comme en Ohio, au Michigan ou encore en Pennsylvanie.

second amendement

Dans d'autres cas encore, la campagne présidentielle de Donald Trump frôle et parfois outrepasse certaines limites, certes plus techniques, de la politique de Facebook.

Ainsi, dans sa charte publicitaire, l'article 12 des contenus interdits explique que "les publicités ne doivent pas inclure de contenu affirmant ou insinuant des attributs personnels." Ceci inclut des "affirmations ou insinuations directes ou indirectes concernant l'origine ethnique, la religion, les croyances, l'âge (...) ou encore l'identité sexuelle".

Le retard de Donald Trump auprès des électrices est fréquemment mis en évidence dans les sondages. Ce n'est donc sûrement pas un hasard si l'équipe de campagne a décidé à plusieurs reprises de mettre en avant l'importance des femmes dans le scrutin.

Une stratégie qui entre en contradiction avec la politique de Facebook, qui d'ailleurs, après des plaintes, a décidé de retirer ces annonces.

Un réseau social faiseur de roi ?

Pour Donald Trump, Facebook semble donc être le coeur névralgique de sa réélection. Plus que tout autre candidat, il y a ancré son phrasé, son style et son charisme.

Avec plus de 20 millions de followers, et avec des moyens financiers pour l'instant largement supérieurs, il y possède aussi une portée inégalée par ses concurrents.

Il reste bien sûr la télévision, la radio, les journaux et les meetings, mais tout porte à penser que Facebook jouera, à nouveau, un rôle capital dans l'élection du prochain président des Etats-Unis.

Tristan Hertig

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