Le rapport, intitulé "Tora Bora revisité: comment nous avons
manqué Ben Laden et ce que cela change aujourd'hui", a été rédigé
par les membres démocrates de la commission des Affaires étrangères
sous la houlette de son président, John Kerry, ancien candidat
démocrate à la présidence en 2004.
Le document, visible sur le site internet de la commission et qui
doit être officiellement rendu public lundi, affirme que le
commandement américain, appliquant la stratégie du secrétaire à la
Défense de l'époque Donald Rumsfeld, a refusé de donner les moyens
aux troupes pour finaliser la capture du chef d'Al-Qaïda, alors
terré dans les grottes de Tora Bora.
Absence de renforts
"Notre échec à conclure l'affaire représente une occasion perdue
pour toujours qui a altéré le cours du conflit en Afghanistan et le
terrorisme international, laissant le peuple américain plus
vulnérable au terrorisme", dit le document. La publication de ce
texte de 50 pages intervient alors que le président américain
Barack Obama annoncera mardi sa décision sur l'envoi de renforts en
Afghanistan.
Selon le rapport, trois mois après les attentats du 11 septembre
2001, moins de 100 commandos américains étaient sur le terrain
alors que du renfort était demandé pour traquer le chef d'Al-Qaïda.
Le rapport cite des témoignages de responsables militaires sur le
terrain selon lesquels des demandes pour obtenir des unités de
seulement un millier de Marines, pour bloquer une vallée vers le
Pakistan ou pour visiter des grottes bombardées, étaient parfois
refusées.
Donald Rumsfeld disait alors craindre un sentiment anti-américain
si les Etats-Unis frappaient trop fort et optait plutôt pour une
stratégie dite "d'empreinte légère" basée sur des bombardements
aériens et la coopération, plus ou moins fidèle selon le rapport,
de milices afghanes. "Nous avons besoin de soldats américains sur
le terrain!", réclamait pourtant Gary Bernsten, un responsable de
la CIA en Afghanistan cité dans le document. "On aurait pu en finir
là", assure-t-il après coup dans le rapport.
Une occasion manquée
Le document explique qu'en décembre 2001, l'étau se resserre sur
Ben Laden. La CIA sait qu'il était à portée de main dans les
montagnes de Tora Bora, accompagné probablement d'un millier
d'hommes. Une attaque aérienne exceptionnelle est lancée, avec
largage d'une bombe de 7 tonnes jamais utilisée depuis la guerre du
Vietnam par un cargo C-130 baptisé "coupeur de pâquerettes", et
semble se révéler efficace. Des messages radios interceptés
attestent que les grottes "sont bouillantes", enfumées et que Ben
Laden se dit prêt à mourir.
Mais cette offensive n'est pas suivie massivement et le chef
d'Al-Qaïda parvient finalement à gagner la frontière du Pakistan
quelques jours plus tard. Huit ans plus tard, "Al-Qaïda s'est
reconstitué et Ben Laden a survécu pour inspirer une nouvelle
génération d'extrémistes capables de frapper à partir de nombreux
endroits", conclut John Kerry, citant les attentats de Londres en
2005.
Les Etats-Unis ont 68'000 soldats déployés en Afghanistan. Le
conflit, d'un coût de 243 milliards de dollars pour les Etats-Unis
jusqu'ici, a fait 950 morts chez les soldats américains, 600 chez
les soldats alliés.
afp/ps