Ils étaient accusés de négligence ayant entraîné la mort pour ne pas avoir tenu compte d'informations faisant état d'un risque de tsunami dépassant les capacités de résistance de la centrale.
Cinq ans de prison ferme étaient requis contre l'ancien président du conseil d'administration de Tokyo Electric Power (Tepco) au moment du drame, Tsunehisa Katsumata (79 ans), ainsi que deux anciens vice-directeurs, Sakae Muto (69 ans) et Ichiro Takekuro (73 ans). Ils avaient plaidé tous les trois non coupables devant le tribunal de Tokyo.
Décès de 44 personnes
Les poursuites engagées contre les ex-dirigeants s'appuyaient sur le décès de 44 patients de l'hôpital de Futaba, à quelques kilomètres de la centrale, lors de leur évacuation d'urgence dans des conditions extrêmes, avec un bus qui a tourné en rond pendant plusieurs heures. Pour ces personnes âgées, l'épreuve s'est avérée insurmontable.
Les procureurs avaient refusé à deux reprises d'engager des poursuites contre les dirigeants de Tepco, arguant que les éléments du dossier étaient insuffisants. Mais un réexamen de l'affaire en 2015 par un panel de citoyens (une procédure peu utilisée au Japon) a tranché pour un procès au pénal.
Les trois accusés se voyaient reprocher par les plaignants d'avoir péché par inaction avant l'accident du 11 mars 2011, alors qu'ils avaient connaissance du risque d'un tsunami majeur aux abords de la centrale construite en bord de mer.
Bien avant le drame, ces dirigeants ont eu en leur possession des données indiquant que la centrale atomique était située dans une zone avec une probabilité de raz-de-marée dépassant 15 mètres, une hauteur pour laquelle le site n'était pas conçu.
Pas de travaux pour protéger le site
"Ils auraient dû suspendre l'activité de la centrale nucléaire" jusqu'à la mise en place de mesures anti-tsunami, dont la construction d'une digue, ont estimé les procureurs au tribunal de Tokyo, selon les comptes rendus d'audience publiés par les médias.
Tsunehisa Katsumata a déclaré durant le procès qu'il n'était pas impliqué au quotidien dans les décisions concernant la sûreté et se reposait sur le travail de ses subordonnés chargés de ces questions.
Tepco n'a pas engagé de travaux pour protéger le site avant que ne survienne au large un puissant séisme de magnitude 9, responsable du gigantesque raz-de-marée qui allait noyer les groupes électrogènes de la centrale, arrêter le refroidissement du combustible et provoquer sa fusion.
Si le tsunami a causé la mort de 18'500 personnes dans le nord-est du Japon, l'accident nucléaire de Fukushima en lui-même n'a fait aucune victime sur le coup. Cependant, il est indirectement responsable de plusieurs milliers de "décès liés", reconnus par les autorités comme des morts dues à la dégradation des conditions de vie des personnes évacuées.
La catastrophe a forcé des dizaines de milliers d'habitants à abandonner leurs maisons proches de la centrale. Un grand nombre d'entre eux sont encore installés dans d'autres régions du pays, ne pouvant pas ou préférant ne pas rentrer chez eux, par peur des radiations.
ats/jfe
Amendes symboliques
Si c'est la première fois que des individus sont jugés au pénal dans cette affaire, l'Etat japonais et Tepco ont déjà été sanctionnés par la justice à diverses reprises, à la suite de nombreuses plaintes en nom collectif.
En septembre 2017 notamment, Tepco avait été jugé responsable de l'accident nucléaire et condamné à une amende symbolique par un tribunal local. Six mois plus tôt, une autre instance avait condamné à la fois Tepco et l'Etat japonais pour négligence dans cette affaire, mais, là aussi, l'amende avait été symbolique.
Par ailleurs, Tepco indemnise les victimes du drame depuis des années, en recevant l'argent d'un fonds créé spécialement et alimenté par l'Etat et l'ensemble des compagnies d'électricité.