"La Libye a décidé d'imposer un embargo total sur tous les
échanges économiques et commerciaux avec la Suisse", a indiqué le
porte-parole, Mohamed Baayou. Elle a décidé par ailleurs d'"adopter
d'autres alternatives en ce qui concerne les médicaments et les
équipements médicaux et industriels" suisses importés par Tripoli,
a-t-il précisé.
Interrogé par l'ATS, le Département fédéral des affaires
étrangères (DFAE) s'est refusé à tout commentaire.
Réaction au vote anti-minaret
L'agence libyenne Jana a indiqué en soirée, en citant le cabinet
du Premier ministre, que cet l'embargo avait été décidé "en réponse
à l'appel" du numéro un libyen, Mouammar Kadhafi, ainsi qu'à "la
politique de la Suisse hostile à l'Islam et à ses actions
téméraires".
M.Kadhafi avait appelé jeudi les musulmans à mener le "djihad"
contre la Suisse, qualifiée de "mécréante et apostate", et au
boycott de son économie, tout cela en réponse à l'interdiction de
la construction de minarets approuvée fin novembre par la majorité
du peuple suisse.
La Libye avait annoncé en octobre 2008 le retrait des avoirs
libyens déposés dans les banques suisses et l'arrêt de ses
livraisons de pétrole, mais avait démenti ces informations quelques
jours plus tard. Reste qu'entre 2008 et 2009, les exportations des
entreprises suisses vers la Libye ont chuté de 44,7%, à 156,2
millions de francs, selon des premières données du Secrétariat
d'Etat à l'économie.
Une solution proche
"Nous sommes proches d'une solution en ce
qui concerne la crise avec la Suisse", avait pourtant déclaré le
chef de la diplomatie libyenne Moussa Koussa mercredi dans la
journée, en marge d'une réunion du législatif libyen à l'occasion
du 33e anniversaire du régime mis en place par M.Kadhafi.
Le chef de la diplomatie libyenne avait néanmoins reproché à la
Suisse "la grande responsabilité de ne pas avoir mis en oeuvre ce
qui a été convenu entre les deux pays". Moussa Koussa a rappelé que
le guide suprême libyen avait demandé "un arbitrage international"
ou l'élection par la Libye et la Suisse "d'une personne juridique
afin de mener l'enquête sur la fuite des photographies représentant
Hannibal Kadhafi.
Le ministre libyen des Affaires étrangères a par la même occasion
qualifié l'arrestation du fils du colonel Kadhafi par les autorités
genevoises d'"acte illégal et dramatique".
Moussa Koussa a aussi affirmé que la Suisse avait menacé de
recourir à la force armée contre la Libye et a déploré
l'établissement d'une liste de 188 personnalités du régime libyen
interdites d'entrée sur territoire helvétique, une liste considérée
comme une "insulte raciale" et "un affront envers la nation arabe
toute entière", a-t-il souligné.
Moussa Koussa a remercié l'Italie et les autres pays - soit Malte,
le Portugal, l'Espagne, la Slovénie, la Turquie, l'Union du Maghreb
arabe, la Ligue arabe, l'Union africaine et l'Organisation de la
conférence islamique - pour leur appui à la Libye.
Photos d'Hannibal: enquête difficile
De son côté, la justice
genevoise poursuit son enquête pour déterminer qui a transmis les
photos d'Hannibal Kadhafi à la "Tribune de Genève". Ce travail est
prioritaire, mais monumental, assure Daniel Zappelli.
Les enquêtes touchant aux réseaux informatiques et à la
correspondance électronique sont "particulièrement difficile et
très limitées" par la législation et les moyens techniques à
disposition", explique le procureur général de Genève dans une
interview publiée mercredi par "Le Temps" .
Seules certitudes: la violation de secret de fonction ne peut
concerner le pouvoir judiciaire. Les photos ne se trouvaient pas
dans les dossiers d'Hannibal ou Aline Kadhafi, et aucun magistrat
ou fonctionnaire ne les a jamais vues. L'auteur de la fuite risque
une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine
pécuniaire.
Genève s'exprime
De son côté, le Conseil d'Etat a indiqué mercredi s'en tenir à
sa ligne de conduite. Il attend de la justice qu'elle sanctionne
les auteurs de la fuite. "Est-ce que la Tribune de Genève veut nous
donner le nom de la personne qui a transmis les photographies?", a
aussi ironisé le président du Conseil d'Etat François
Longchamp.
Max Göldi a été arrêté avec Rachid Hamdani à l'été 2008 en
représailles à l'arrestation à Genève d'Hannibal Kadhafi, sur
plainte de deux domestiques pour mauvais traitements. Tripoli
affirme que ces deux affaires n'ont rien à voir entre elles.
Le 23 février dernier, alors que Rachid Hamdani rentrait en
Suisse, Max Göldi s'est rendu à la justice libyenne pour purger une
peine de quatre mois de prison pour séjour illégal.
agences/bri
Tripoli/Washington: petite altercation
La chargée d'affaires de l'ambassade américaine à Tripoli a été convoquée mercredi par le ministère des Affaires étrangères libyen.
La Libye a protesté contre les propos du porte-parole de la diplomatie américaine qui avait ironisé vendredi sur l'appel de Mouammar Kadhafi à la guerre sainte contre la Suisse.
Tripoli a indiqué qu'elle exigeait "des explications et des excuses" de Washington, prévoyant des "répercussions négatives sur les relations économiques et politiques entre les deux pays si aucune mesure n'est prise".
"Cela ne se voulait pas une attaque personnelle", a répondu l'intéressé, "Ceci dit, un appel au Djihad contre un pays ou une personne peut faire du mal. Ce n'est pas quelque chose que les Etats-Unis prennent à la légère". Le porte-parole a ajouté que les Etats-Unis demeuraient "fermement attachés à la relation américano-libyenne".
Ironisant sur l'appel de Kadhafi contre la Suisse, Philip Crowley avait indiqué que cela lui rappelait la diatribe de Mouammar Kadhafi à l'ONU le 23 septembre. "Beaucoup de mots, beaucoup de papier volant un peu partout, et pas forcément beaucoup de sens", avait ajouté Ph.Crowley dans un éclat de rire.
Mouammar Kadhafi a appelé jeudi passé les musulmans à mener le "djihad" contre la Suisse, qualifiée de "mécréante et apostate" en réponse à l'interdiction des minarets.
La famille Göldi lance un appel aux Kadhafi
Moritz, le frère de Max Göldi, a déclaré mardi soir lors de l'émission "10vor10" de la télévision alémanique SF, qu'au nom de sa mère et de toute la famille, il avait appelé la famille Kadhafi "à faire tout ce qui était en leur pouvoir pour que la demande de recours en grâce soit entendue".
La visite d'Hannibal Kadhafi à Max Göldi lundi est "signe positif", montrant que les Libyens s'efforcent de poursuivre les négociations".
La situation est particulièrement difficile pour la maman de Max Göldi, qui a eu 80 ans lundi. "Elle ne peut pas comprendre que son fils ne soit pas encore rentré à la maison", a ajouté Moritz Göldi.
L'avocat du Suisse devrait déposer vers la fin de la semaine une demande de grâce ainsi qu'un recours du jugement. Selon Amnesty International, la réponse à la demande de grâce peut arriver à tout moment alors que la procédure de recours peut prendre des semaines, voire des mois.